Méconnu du grand public, le groupe lyonnais Burelle est à la tête de l’une des plus belles réussites industrielles françaises. Avec l’équipementier automobile Plastic Omnium, il investit des sommes considérables et se rêve en futur géant de l’hydrogène et de l’éclairage.
2,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires sur les trois premiers mois de l’année 2023, un résultat net en hausse de 41 % (126 millions d’euros) et une augmentation du CA de 18 % entre 2021 (7,2 milliards) et 2022 (9,47 milliards). C’est peu dire que le groupe Burelle se porte bien. Dirigé par Laurent Burelle, ce géant industriel français continue sa marche en avant en toute discrétion. Son secret ? Investir en permanence dans son navire amiral, l’équipementier automobile Plastic Omnium, pour conserver son avance sur la concurrence. Rien qu’en 2022, Plastic Omnium a dépensé 1,3 milliard d’euros pour développer de nouveaux secteurs porteurs de croissance axés sur la mobilité durable (éclairage, hydrogène, mobilité électrique). Présidé par Laurent Burelle, Plastic Omnium a profité à plein de l’augmentation de la production de véhicules électriques en Europe.
Le groupe Burelle SA, holding de contrôle de Plastic Omnium, s’est également renforcé au capital : la famille contrôle désormais 60 % de Plastic Omnium. Les résultats de l’activité immobilier sont également en forte hausse à 19,6 millions d’euros et la diversification dans l’hôtellerie est une réussite. Le groupe Burelle affiche des objectifs financiers ambitieux.
Pour 2023 : une marge opérationnelle supérieure à 400 millions d’euros (+10 % par rapport à 2022) et des flux financiers libres supérieurs à 260 millions d’euros.
Les Etats-Unis et la Chine dans le viseur
Comment expliquer ces résultats ? D’abord par la forte hausse de l’activité de Plastic Omnium en Europe, notamment en Allemagne et en Europe de l’est. Mais pour l’équipementier automobile, le marché le plus porteur à l’avenir pourrait être l’Amérique du Nord. Plastic Omnium a un carnet de commandes bien rempli sur le continent nord-américain et une croissance assurée grâce à l’essor du marché des véhicules thermiques, électriques et à hydrogène.
Pour répondre à cette soudaine hausse des commandes, Plastic Omnium s’apprête à construire un nouveau site de production aux États-Unis d’ici fin 2023. En 2026, l’entreprise fabriquera outre-Atlantique des pare-chocs arrière et des pièces extérieures pour un grand constructeur européen. Mais Plastic Omnium ne se contente pas de se développer en Amérique du Nord. Le géant de l’automobile cible aussi la Chine : la construction d’une usine géante, destinée aux réservoirs haute pression pour les solutions de mobilité lourde, est programmée pour 2026.
Laurent Burelle, un dirigeant et un bâtisseur hors pair
Aujourd’hui, Plastic Omnium est constitué de cinq départements, dont trois historiques (pièces de carrosserie, réservoirs à carburant et modules), et deux nouveaux (hydrogène et éclairage). Cette diversification démontre la capacité du groupe à se transformer au fil du temps. Fondée en 1957 par Pierre Burelle, président jusqu’en 2001 et père de Laurent Burelle (73 ans), l’actuel PDG, la holding Burelle SA est détenue à plus de 85 % par la famille Burelle.
Héritier d’une des plus grandes dynasties entrepreneuriales françaises, Laurent Burelle a réussi à faire de Plastic Omnium un empire mondial de l’équipement automobile depuis sa prise de e pouvoir au début des années 2000. À son arrivée en 2001, le groupe réalisait un chiffre d’affaires d’un milliard d’euros. Deux décennies plus tard, le CA est passé à 8,5 milliards. À la tête de la 90ème fortune française (1,3 milliards d’euros), celui qui aime se comparer à Christophe Colomb ou Marco Polo est désormais considéré comme l’un des plus influents capitaines d’industrie actuels — il cédera sa place de président de l’Association française des entreprises privées, qu’il occupe depuis 2017, cette année. Aujourd’hui, Plastic Omnium est un géant.
Un géant qui réalise un chiffre d’affaires de 9,47 milliards d’euros, emploie 37 000 personnes à travers 26 pays, détient plus de 150 usines et 43 centres de R&D. La multinationale familiale, qui équipe la plupart des constructeurs mondiaux (BMX, Mercedes, Volkswagen, (Stellantis, Renault, Toyota, Hyundai…), est l’un des premiers équipementiers automobiles français, derrière Valeo et Faurecia. Plastic Omnium a même conquis le marché chinois : l’équipementier est le principal fournisseur d’une vingtaine de constructeurs chinois.
Futur géant de l’hydrogène ?
Le groupe familial français vit en ce moment une révolution stratégique majeure : Plastic Omnium a pris le virage de la mobilité verte. L’équipementier se rêve en géant de l’hydrogène à l’horizon 2030.
C’est la raison pour laquelle il investit massivement dans le secteur (20 millions d’euros dans le spécialiste des batteries Verkor), signe des partenariats (avec Alstom pour le train à hydrogène, et Stellantis et HYVIA pour les modules de réservoirs hydrogène haute pression), multiplie les acquisitions et implante des centres de recherche à dans le monde entier. Fin 2022, Plastic Omnium a annoncé la construction à Compiègne (Hauts-de-France) de la plus grande usine de réservoirs à hydrogène d’Europe, qui pourra produire jusqu’à 80 000 unités par an à l’horizon 2025.
Ce virage vers l’hydrogène s’accompagne d’objectifs ambitieux. En 2030, l’entreprise présidée par Laurent Burelle vise 25 % de parts de marché sur les réservoirs à hydrogène, entre 10 et 15 % sur la pile à combustible et 10 % sur le système hydrogène intégré. En résumé, Laurent Burelle rêve de faire de Plastic Omnium l’un des futurs leaders mondiaux de l’hydrogène. La multinationale a annoncé qu’en 2030, 40 % de son CA « sera issu de technologies qui ne font pas partie de son portefeuille actuel ».
À cette date, Plastic Omnium vise un chiffre d’affaires de 15 milliards d’euros. Bref, la transformation de l’ancien plasturgiste en un groupe innovant et technologique ne fait que commencer… Reste une question : le pivot vers l’hydrogène sera-t-il le dernier combat de Laurent Burelle à la tête de Plastic Omnium ? On espère que non !”
Victor Cazale