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Pierre de Villiers : « Je ne fuirai pas mes responsabilités, ce n’est pas mon style »

À 64 ans, l’ancien chef d’État-Major des armées, celui-là même qui a offert sa démission au président Macron, nouvellement élu, s‘est forgé un personnage d‘ordre et d’autorité dont la France se sent avoir de plus en plus le besoin. L’avenir dira si Pierre de Villiers franchit ou pas le Rubicon.

Entreprendre - Pierre de Villiers : « Je ne fuirai pas mes responsabilités, ce n’est pas mon style »

À 64 ans, l’ancien chef d’État-Major des armées, celui-là même qui a offert sa démission au président Macron, nouvellement élu, s‘est forgé un personnage d‘ordre et d’autorité dont la France se sent avoir de plus en plus le besoin. L’avenir dira si Pierre de Villiers franchit ou pas le Rubicon.

Entreprendre : Vous prônez dans votre dernier livre l’impérieuse nécessité d’une réconciliation nationale. Comment définir cette fracture entre plusieurs France et pourquoi y a-t-il urgence selon vous à réparer notre pays ?

Général Pierre de Villiers : Notre pays est profondément fracturé. Dans la première partie de mon dernier livre, j’essaie de partir d’un constat ni alarmiste ni laxiste, bref un constat objectif, que notre pays est fracturé, d’abord territorialement. On ne vit pas de la même façon dans une grande ville, un territoire rural ou une cité. Parfois on ne parle même pas la même langue et on n’a pas le sentiment d’appartenir au même pays. Fracture sociale aussi – Philippe Seguin en parlait il y a trente ans déjà, je crois que nous y sommes – avec le développement d’une grande pauvreté, on peut même parler parfois de misère, et je ne peux me résoudre à constater sans rien faire, sans rien dire. Fracture économique également et l’on voit bien les limites de la mondialisation qui apparaissent au grand jour dans cette crise sanitaire.

Nous avons perdu une partie de notre souveraineté dans un certain nombre de domaines clés et l’on ne peut pas laisser cette fracture se développer, ce capitalisme débridé, ce libre-échangisme mondial non contrôlé. Il faut revenir à un capitalisme responsable, plus social. On peut aussi parler d’une fracture politique, d’une crise de l’autorité, d’un fossé qui s’est creusé entre ceux qui dirigent et ceux qui exécutent. J’ai pu le vérifier dans le tour de France que j’ai fait pour mon précédent livre.

Plus encore que de fractures, peut-on parler d’une accumulation de crises ?

P.de.V. : En fait, nous sommes en crise sanitaire, nous le vivons tous de plein fouet, mais aussi en crise sécuritaire avec le terrorisme islamiste radical qui attaque nos citoyens sur notre propre sol. On décapite à la sortie d’un collège un professeur et l’on tue à l’intérieur des églises. Ce n’est pas rien ! Une barbarie qui est l’objectif et non pas le moyen. C’est ça qui est très important à comprendre puisque ces islamistes radicaux cherchent à imposer une nouvelle organisation à nos sociétés, en particulier occidentales. Crise migratoire qui rend ce monde encore plus instable. Crise économique aussi : on voit bien que nos entreprises sont sous pression aujourd’hui et le confinement n’arrange pas les choses ; crise sociale avec un chômage qui repart à la hausse, avec cette pauvreté dont j’ai parlé et cet individualisme qui va se renforcer et qui est très inquiétant.

Crise politique, je l’ai évoquée avec ce problème d’autorité et crise géostratégique avec le retour des états-puissances – la Turquie, la Russie, la Chine, les Etats-Unis dans une certaine mesure, l’Arabie Saoudite, l’Iran, l’Inde… – qui pour l’essentiel sont d’anciens empires qui cherchent à regagner leur puissance perdue et font peser sur le monde des pressions. Sans oublier la crise environnementale, celle du dérèglement climatique, qui contribue elle aussi à cette inquiétude mondiale. Vous additionnez tous ces facteurs, toutes ces crises, en simultané, et vous avez l’état actuel de notre pays, et plus largement de notre Europe et de notre monde. Mais en France, c’est certainement encore plus vivace qu’ailleurs.

Vous écrivez que le coronavirus est un rappel à l’ordre de l’Histoire pour nous signifier notre grande fragilité. Comment tirez parti collectivement des leçons de cette crise ?

P.de.V. : Finalement, le coronavirus ne va pas changer fondamentalement les tendances que je viens de développer, il va les accélérer. Et cette crise qui nous frappe de plein fouet, dans sa diversité, dans l’espace et dans le temps, accélère ce sentiment de déstabilisation et ces fractures. En même temps, on redécouvre, nous les Français mais aussi tous les Européens, que nous sommes très vulnérables. Un virus peut contribuer à nous déstabiliser avec le retour de la mort.

Peut-on dire que les Français sont en train de redécouvrir leur mortalité, alors que vous, Général, vous en êtes conscient depuis longtemps ?

P.de.V. : C’est vrai que j’ai vécu avec la mort. Je l’ai finalement apprivoisée dès mes premières années à Saint-Cyr, puis dans ma carrière militaire. La mort fait partie de la vie, on le sait, mais on l’a oublié. Avec la crise sanitaire, les citoyens et la société sont en train de prendre conscience de leur propre finitude. Le progressisme, le nouveau monde, ce bonheur qui est l’objectif de tout être humain peuvent être mis à mal immédiatement et brutalement par la mort. Je crois que c’est un facteur important. Nous, les militaires, on réfléchit à tout cela avant une opération, on sait qu’on est mortels et donc, peut-être que dans le contexte actuel, nous apparaissons comme une forme de stabilité, de sagesse, dans cette société qui est brutalisée par toutes ces crises qui nous frappent en pleine figure.

Comment expliquer que notre pays, admiré et respecté à l’étranger, ne le soit pas autant par nombre de nos concitoyens ? Est-ce un problème de confiance ?

P.de.V. : Oui, c’est un problème de confiance, vous avez raison, et c’est aussi un problème de dépression collective, de repentance permanente par rapport à notre Histoire, notre passé. J’ai souvent réfléchi à ce thème qui est une vraie bonne question parce que quand j’étais reçu à l’étranger, je n’étais pas le chef d’Etat-Major de n’importe quel pays. J’étais le chef d’Etat-Major des armées françaises ! Nos armées sont les deuxièmes armées occidentales déployées en opérations. Et puis, au-delà des armées françaises, je représentais la France, ce grand pays qui a une vocation mondiale, une histoire, une géographie, une langue et qui a une influence. Et peut- être que les seuls à ne pas s’en apercevoir, ce sont les Français. Un de mes objectifs, c’est de contribuer à restaurer la fierté française.

Je suis fier de l’Histoire de notre pays. Je suis fier d’habiter la France, ce pays aux mille facettes, aux mille paysages ; ce pays aux mille cultures, cette vieille démocratie européenne. La France est un grand pays, un beau pays dans lequel il fait bon vivre, et parfois, on a peut-être oublié ce que sont les vraies difficultés. On se croit très malheureux alors qu’en fait, on a tout en France, même dans la situation plus difficile d’aujourd’hui. Alors, n’exagérons rien, restons calmes, restons confiants dans l’avenir. Car la confiance fait partie du carburant de l’autorité.

Notre classe politique est-elle responsable de ce problème de confiance et est-elle à la hauteur des enjeux ?

P.de.V. : Je crois qu’un bon dirigeant, c’est 20 Entreprendre un absorbeur d’inquiétude et un diffuseur de confiance. Aujourd’hui, force est de constater qu’il y a énormément d’inquiétudes à absorber et beaucoup de confiance à diffuser. Mes trois livres, notamment le dernier qui s’adresse à la fois à tous les Français mais aussi aux dirigeants, traitent tous de la confiance, parce qu’elle est très importante. Un bon chef, c’est donc celui qui diffuse cette confiance. Aujourd’hui, on en manque, les citoyens sont dans la défiance, ils ne croient plus personne. Les Français que je rencontre chaque jour me disent : « Mon Général, on marche sur la tête. Qui croire aujourd’hui ? Et moi dans tout cela, qu’est-ce que je deviens ? » Et cela va bien au-delà des dirigeants politiques, ça touche aussi tous ceux qui dirigent dans les entreprises, mais aussi dans les associations, dans les clubs de sport, partout ! Il faut donc retrouver cette confiance. Je suis certain qu’on peut la retrouver dans le génie français. Nous avons tort de douter de nous-mêmes. Vous savez, le doute, c’est le début de la défaite. Et ce doute, il est complété aujourd’hui par la peur : la peur de mourir, l’inquiétude de l’avenir, l’angoisse du lendemain. C’est ce que j’entends partout dans mes déplacements.

Comment trouver le courage de cet équilibre et donc des réformes nécessaires alors que nos concitoyens sont réfractaires aux réformes qui les conduisent généralement dans la rue et sur les ronds-points ?

P.de.V. : Oui, nos concitoyens sont paradoxaux parce qu’ils aspirent aux réformes, ils les réclament, et quand elles arrivent, ils sont d’accord pour les réformes mais chez le voisin. C’est comme pour les autoroutes, d’accord mais pas dans mon jardin ! Si j’écris que « L’équilibre est un courage », c’est parce que trop souvent notre société n’est pas apparue très équilibrée et nos programmes politiques apparaissent même déséquilibrés : les uns pour le régalien, les autres pour le social, les troisièmes pour l’écologie, les quatrièmes pour la souveraineté. Bref, chacun a son thème. Moi, je ne comprends pas qu’on puisse faire comme cela, je pense qu’il faut garder un équilibre.

Et un équilibre, ce sont deux plateaux. Ils sont trop vides aujourd’hui. Il n’y a pas assez de rigueur, de discipline, d’autorité, de fermeté, de cadre. Il n’y a pas non plus assez d’humanité, de considération, de respect. C’est pourtant cet équilibre entre les deux qui doit nous guider. Cet équilibre, il se retrouve exactement aujourd’hui entre la crise sanitaire qui impose des décisions de restriction des libertés et la crise économique qui impose de maintenir des libertés. Et cet équilibre subtil, c’est celui qui doit nous guider vers les décisions. C’est pour cela que c’est un courage, parce qu’il faut avoir le courage d’affronter les mécontentements, le courage de ne pas faire 100% d’adhésions, le courage de décider, de dire la vérité, de trancher !

D’où la réconciliation que vous appelez de tous vos vœux ?

P.de.V. : En France, on dit souvent « équilibre égale consensus, égale conciliation, égale mollesse », pas du tout ! L’équilibre, ce n’est pas du centrisme ! Moi qui ai été chef militaire, je pense avoir cette notion d’équilibre et de courage chevillé au corps. C’est ce qui garantit l’unité. C’est ce qui provoque la réconciliation entre différents contraires. Aujourd’hui, ce dont on manque, c’est la fierté française. Mais elle viendra, par la réconciliation, par l’unité. Vous savez, dans notre Histoire, les grands chefs ont toujours été des dirigeants d’unité et de réconciliation, et souvent dans les crises ! Regardez le maréchal Leclerc, le maréchal de Lattre qui sont deux de mes modèles militaires, puis Clémenceau, l’Union sacrée ! On dit souvent qu’un bon chef, c’est la rencontre entre une personne, une personnalité, un caractère et des évènements. Peut-être que ce dont nous manquons, c’est cela, la rencontre entre des personnalités et des évènements. Nous manquons aujourd’hui de modèles, de héros. Nous sommes trop dans les contre-modèles et la repentance.

Votre popularité grandit de jour en jour, tous vos livres rencontrent un grand succès, vos conférences font carton plein. Que répondez-vous aux Français qui aimeraient vous voir jouer un rôle national au plus haut sommet de l’Etat ?

P.de.V. : Ce que je réponds, c’est que je n’ai pas écrit ces livres pour être populaire, ni pour en faire un marchepied politique. Je reconnais que le dernier est un livre politique où je traite des affaires de la Cité, mais c’est un ouvrage essentiellement stratégique. Je ne traite pas de la question « comment ? », pas de la tactique, mais de la question « quoi, pourquoi ? ». Pourquoi réparer la France dans la problématique qui est la nôtre ? Evidemment, un certain nombre de gens considérant le vide politique actuel manifeste – en tous cas c’est la perception de pas mal de Français -, se disent « ça y est, voilà l’homme providentiel ! »

Ce n’est pas du tout ma démarche. Moi, ma démarche, elle est authentique, elle est sincère et elle est désintéressée. Je m’intéresse d’abord aux problèmes et aux solutions, avant de savoir qui sera la ou les personnalités pour 2022. Je crois qu’on a trop axé la politique sur les egos et le pouvoir et pas assez sur le contenu et la responsabilité. Ce qui compte, ce n’est pas tant celui qui est élu, mais ce qu’il en fait. Et quand on parle du général de Gaulle, il représentait, il était une certaine idée de la France.

C’est l’objectif de votre livre, renouer avec une certaine idée
de la France ?

P.de.V. : Dans mon livre, modeste, fruit de mon expérience à la fois militaire et civile, j’essaie de donner une certaine vision, avec de la hauteur, de la profondeur, sans tomber dans l’anecdote du quotidien et à partir d’un constat sans concession des fractures actuelles. J’essaie de donner des solutions, des axes dans l’éducation, le régalien, l’économie, la culture, le sport, l’ensemble des différentes problématiques d’aujourd’hui, l’écologie, le travail, le problème des cités, l’intégration. Et puis j’essaie aussi de faire des propositions pour améliorer notre société : plus de bienveillance, plus d’exigence, moins de polémiques, moins d’agressions, moins de violences. C’est mon dernier chapitre, peut-être le plus important, car la vraie richesse est chez les autres.

Êtes-vous prêt à prendre vos responsabilités en cas de besoin ? Vous avez toujours servi votre pays, alors, si les Français vous le demandaient un jour ?

P.de.V. : Je prends mes responsabilités et je les ai toujours prises. Y’a finalement très peu de hauts fonctionnaires qui démissionnent comme je l’ai fait. Donc je sais prendre mes responsabilités. J’aurais très bien pu couler une retraite beaucoup plus facile que la mienne aujourd’hui. « Ecrire, c’est déjà agir » disait Mauriac et il avait raison. J’ai fait trois livres en trois ans, je suis par monts et par vaux dans la France entière pour des séances de dédicaces, des conférences, je m’occupe beaucoup des entreprises et beaucoup des jeunes, notamment dans les écoles, les banlieues et les cités… donc je prends mes responsabilités.

On peut servir la France autrement que dans la politique et on peut la servir autrement qu’en étant candidat à une élection présidentielle. Voilà, c’est mon approche. Je n’ai jamais fui mes responsabilités et je ne les fuirai pas, ce n’est pas mon style ! J’essaie de pratiquer ce que j’écris, donc j’essaie d’être dans l’équilibre et dans le courage pour réparer la France. Voilà. Ma réponse à votre question, elle est très claire !

Que faire concrètement contre l’islamisme radical qui n’est pas fait ? Doit-on stopper l’immigration, restaurer l’Etat de Droit dans les quartiers difficiles, renvoyer tous les étrangers délinquants ?

P.de.V. : Il faut faire la guerre comme eux nous font la guerre ! Autant on lutte aujourd’hui contre une pandémie avec un couvre-feu et un confinement, autant la guerre contre le terrorisme islamiste radical, elle nous a été déclarée depuis de nombreuses années, mais singulièrement plus récemment en 2015. La succession d’attaques que nous avons depuis le prouve. L’ennemi est sur notre sol. La population est notre amie mais notre ennemi est dans la population. Donc, ils sont déjà passés, ils sont là. Il y a un certain nombre de Français – de souche d’ailleurs – qui haïssent la France et qui veulent imposer cette barbarie au sein de notre société.

Donc, il faut mener cette guerre avec tous les moyens de la guerre. D’abord les moyens de sécurité, de combat, la force. Nous ne faisons pas encore tout pour imposer dans certaines zones l’ordre républicain. Il y aura des risques à prendre, mais on ne peut pas laisser des caïds œuvrer comme ils le font, on ne peut pas laisser des salafistes se développer comme ils le font, dans certaines cités notamment. Je pense qu’il faut aussi utiliser les moyens économiques pour assécher les flux financiers de cet ennemi islamiste.

Vous parlez également d’utiliser d’autres moyens. Lesquels ?

P.de.V. : Oui, des moyens éducatifs pour recréer un creuset national, pour éviter que ces Français ne basculent très jeunes dans la haine de la France. Leur réapprendre à aimer la France, retisser le lien intergénérationnel, intégrer toutes les personnes de bonne volonté qui ne demandent qu’à le faire, en commençant par la culture, parce que tout commence par-là : la langue, la connaissance du pays, de son histoire, de sa géographie. Et puis, il faut aussi introduire plus d’humanité pour que ces jeunes ne basculent pas du côté des salafistes. L’humanité, cela veut dire des conditions de logement décentes, des emplois, leur apprendre les droits et les devoirs, peut- être relancer une forme de service national universel…

Ça veut dire cet équilibre entre tous les moyens pour mener cette guerre. Notre Etat de Droit, c’est un bien précieux, mais il faut l’aménager. On ne peut pas accepter de mettre six mois pour fermer une salle de prières, on ne peut pas accepter de mettre plusieurs semaines pour expulser un imam radical qui crache sur la France dans tous ses prêches. Il faut que ce soit immédiat. Le droit doit redevenir un moyen et non pas une fin. Nous devons nous donner tous les moyens de gagner cette guerre et prendre les risques nécessaires pour restaurer l’ordre républicain.

Vous dites cependant que ça ne suffira pas. Expliquez-nous.

P.de.V. : Oui, ça ne suffira pas. Il faut cette approche globale que je préconise, c’est-à-dire cet équilibre avec l’ensemble des moyens. Cette guerre, il ne suffit pas d’en parler, il va falloir la mener et elle va être longue. Je pense que c’est l’affaire de générations plus que l’affaire d’élections. Elle dépasse les quinquennats. La victoire passera aussi par la protection de notre territoire et la gestion d’une immigration effectivement choisie et non pas subie. Si l’Europe n’est pas capable de régler l’immigration aux frontières extérieures, il faudra le faire à nos frontières, que cela plaise ou non, c’est indispensable. Nous n’avons plus le choix. Protéger la France et les Français, cela passe aussi par-là.

Votre livre est sous-titré « Réparer la France ». Comment la réparer sur le plan économique alors que nombre d’entreprises et de petits commerces sont en grande souffrance ? Par les relocalisations, le produire en France ?

P.de.V. : Je pense qu’il faut revenir au bon sens. Dans les entreprises, vous le voyez bien, on cherche le sens. Et moi je leur dis, chercher le sens, c’est retrouver le bon sens. Bien sûr, on ne reviendra pas en arrière, l’économie est devenue mondialisée. Cette mondialisation nous a apporté beaucoup d’avancées, y compris socialement, en termes d’emplois. Mais c’est une mondialisation régulée et contrôlée que j’appelle de mes vœux. Sur le plan économique, j’estime que les instruments de régulation ne sont plus assez efficaces. Par exemple l’OMC, je le dis dans mon livre, mais aussi globalement le développement des GAFA, qui au passage vont être renforcés par le confinement. Notre économie est en train de souffrir et les grands vainqueurs sont ceux qui travaillent par internet et font le « click and collect » gigantesque mondial. On a oublié ce capitalisme responsable, ce capitalisme régulé, ce capitalisme social. Il faut revenir à ça.

Cela passe par la souveraineté nationale selon vous ?

P.de.V. : Oui, on a oublié l’intérêt national, la souveraineté nationale. Nous sommes dans une guerre économique mondiale où il faut retrouver les instruments de notre souveraineté. On a découvert dans cette crise sanitaire qu’on n’a pas les moyens de fabriquer nous-mêmes des masques, des antibiotiques, des produits pour fabriquer les tests. On redécouvre cela et on va fabriquer, relocaliser. Evidemment, il était temps ! Cela fait des années que nous sommes un certain nombre à le dire. C’est du bon sens ! Il n’est pas toujours bon d’avoir raison trop tôt mais là, c’est l’heure de revenir à une Europe protectrice interétatique à géométrie variable et à une France souveraine.

La colonne vertébrale du Général de Gaulle, c’était l’indépendance nationale. Il était pour la coopération européenne interétatique, il n’était pas pour une Europe fusionnée, mondialisée et ouverte à tous vents. L’indépendance nationale, la dissuasion nucléaire, la grandeur de la France, c’était ça sa colonne vertébrale. C’est pour cela aussi que le général de Gaulle fait partie de mes modèles. Je souhaite une économie régulée, où l’homme reprenne la main, où l’on remette la personne au centre des préoccupations des dirigeants économiques. Je souhaite par exemple améliorer le dialogue paritaire. Nous sommes en panne en France.

Les Allemands font cela bien mieux que nous. Il faut dépolitiser nos syndicats, instaurer un vrai dialogue entre les entreprises, les syndicats et les salariés. Toutes ces mesures, je les propose dans mon livre. J’appelle cela « réconcilier l’économie et le social ». C’est important et beaucoup de Français sont d’accord avec ces idées de bon sens.

Selon vous, quel rôle peut et doit jouer votre frère, Philippe de Villiers, dans le contexte actuel ?

P.de.V. : Mon frère jouera le rôle qu’il veut bien jouer (rires). Une de nos forces avec mon frère Philippe, c’est que nous avons mené nos carrières en toute indépendance et avec une cloison étanche entre nous. Moi ma vie militaire, et lui, sa vie politique et sa vie artistique avec le Puy-du-Fou qui est une œuvre magnifique. Je crois qu’il faut que ça continue comme ça. Mon frère Philippe est un amoureux de la France, je partage cette amour avec lui. Après, on a des personnalités, des parcours différents, et chacun continuera à jouer son rôle, là où il est.

Etes-vous plutôt optimiste ou pessimiste pour l’avenir de notre pays ?

P.de.V. : Moi, je ne peux pas me résoudre à être pessimiste pour la France. Je ne peux pas nier que nous traversons une période difficile au plan mondial, au plan européen et au plan français. A court terme, nous allons vers des évènements et j’espère qu’ils seront les moins graves possible pour notre pays. On a trop mis la poussière sous le tapis depuis des dizaines d’années et la poussière, elle finit par se révéler quand on soulève le tapis. Après, à moyen terme je suis optimiste et plein d’espérance parce que la France est un pays de génies, de personnalités qui sont des pépites, je les rencontre partout où je vais.

Quel message adresser aux jeunes générations ?

P.de.V. : Ce sont eux notre avenir. L’avenir de la France, c’est la jeunesse. Moi, j’ai 64 ans, j’ai profité de cette période de paix. On vient d’avoir 75 ans de paix. Je pense que les jeunes de moins de 30 ans ont compris que nous changions d’époque et que le fameux nouveau monde promis ne serait peut-être pas celui qu’on leur avait annoncé. Il faut revenir à cette notion de valeur au travers de l’escalier social. Valeur au singulier mais aussi au pluriel : engagement pour quelque chose qui nous dépasse, de plus grand, la paix, la France, les autres. Je crois que cette génération des moins de 30 ans a compris cela.

Même si elle est sur les réseaux sociaux, sur les écrans et qu’elle est parfois individualiste, globalement, je suis certain qu’elle saura faire face à ces défis et je pense que la France a un rôle particulier à jouer dans le monde. Si l’on veut reconstruire une Europe plus pragmatique, plus efficace je pense que la France aura un rôle singulier à jouer. L’Europe de l’euro doit maintenant passer à un stade supérieur pour être l’Europe de la civilisation en quelque sorte. C’est par la civilisation que nous sortirons de toutes les fractures dont nous parlons. C’est pour cela que je suis confiant et plein d’espérance. Je dis souvent qu’espérance rime avec France, c’est ce qui me motive aujourd’hui.

Propos recueillis par Valérie Loctin


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