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Mélodies artistiques avec François Chabanian

Entreprendre - Mélodies artistiques avec François Chabanian

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Monaco et Saint-Tropez sont réputés pour être pris d’assaut par la Jet Set en pleine saison touristique. Mais cette principauté et ce village de pêcheurs sont, aussi, des lieux où fleurissent l’art. Rencontre avec François Chabanian, qui nous entraîne dans des mélodies artistiques passionnantes.

François Chabanian a ouvert sa première galerie Bel-Air Fine Art à Genève, en 2004. Ce 15 juillet 2021, à Monaco, c’est le jeune Adrien Chatelet qui vous accueille dans la galerie du partenaire de François, Gaudio Gianluca. Adrien connaît les œuvres et les artistes par cœur. Il est comme un poisson dans l’eau. C’est ici, que commence la mélodie. Dehors, le soleil est radieux, il est au zénith. Les sonorités sont douces. Devant l’hôtel Fairmont, où se situe la galerie, des touristes s’agglutinent et prennent la pose autour de la célèbre voiture de Batman. A qui est cette voiture ? « Elle appartient à un client de l’hôtel, ce n’est pas la mienne, répond Adrien, l’air amusé. »

Une Ferrari jaune passe devant. Les artistes exposés s’appellent (on ne peut pas tous les citer) Cédric Bouteiller, Carole Feuerman, Marco Grassi, Julien Marinetti, etc. Carole est une sculptrice très connue aux Etats-Unis et sur les autres continents pour ses œuvres hyperréalistes. Les dernières en date : une baigneuse en maillot sur laquelle perlent des gouttelettes d’eau reconstituées à la perfection. En juillet, Carole a fait son tour d’Europe. Le 10, elle s’est arrêtée à Saint-Tropez où elle expose, toujours, une partie de ses œuvres. C’est là, où nous retrouvons François, après le bref passage à Monaco. Sa galerie est parfaitement située, entre le boulevard Louis Blanc, et, la rue Quaranta. Elle est nichée dans l’ancien cinéma, qu’il a transformé. Cet espace lumineux distribue sur deux étages près de 130 œuvres. Sur le trottoir de la rue Quaranta, au numéro 13, dans la vitrine, un drôle de personnage attire votre regard.

« C’est Tintin avec les bras croisés, explique François qui vient à votre rencontre. L’artiste s’appelle Peppone. Il est passionné de BD et de Tintin. Il a plus de 400 albums chez lui. Ses sculptures sont en résine et en fibre de verre. Il transforme une partie de sa collection de papier en œuvre d’art. Pour cela, il utilise la technique du marouflage avec beaucoup de talent. » Avec sa voix suave et posée la mélodie artistique reprend. A l’intérieur le regard s’arrête sur des sculptures majestueuses en forme de fleurs et d’arbres. Les couleurs sont magnifiées, comme le rouge, le rose, le bleu, le marron, le vert et le jaune. L’ensemble se marie pour former un arbre, un tronc, des branches et un feuillage.

« L’artiste est très talentueuse et reconnue internationalement. Elle s’appelle Annalu. Elle est née à Venise, en Italie. Elle utilise de la résine, du papier, des écorces, du verre de Murano, pour créer cet univers floral ». La mélodie devient florale.

Des racines arméniennes qui mènent à l’art

François Chabanian, comme son nom l’indique est d’origine arménienne. Sa famille a survécu au génocide de 1915. « Mon grand-père est né à Istanbul. Toute ma famille est originaire d’une région en Anatolie, mais au 19è siècle, ils sont tous partis en Georgie, à Batumi, sur la mer Noire. L’histoire de ma famille est liée avec la cour du Tsar Nicolas II. Ma grand-mère nous racontait que lorsqu’elle était petite, elle allait jouer du piano à la cour. C’est pour cette raison, qu’ils n’ont pas été victimes du génocide, par contre ils étaient en tête de la liste noire des bolchéviques, et, ils ont dû fuir en 1919 abandonnant tout derrière eux. » Les grands-parents de François s’enfuient loin, au Maroc. Puis, ils s’installent à Marseille. Ils repartent de zéro.

Entrepreneurs, ils montent une industrie de boyauderie et se développent très vite sur toute la France. C’est à Marseille que ses parents se rencontrent. Armand et Léontine montent à Paris et s’y marient. De cette union va naître une fratrie de quatre garçons. François vient au monde en 1955, à Neuilly-sur-Seine. Très jeune, il se passionne pour l’art musical. Après 9 ans de conservatoire, il continue ses études de musicologie à la Sorbonne. Il est un petit virtuose du saxophone. Avec son groupe, il se revoit, encore, arpenter les routes de France. « C’était la grande époque du jazz-rock. Nous n’avions pas 18 ans. Nous étions dans les années 70. Après mai 68, c’était l’effervescence. C’était la révolution de la jeunesse. » La mélodie continue aux sons du jazz.

Presqu’au même moment, pendant la période de son adolescence, le groupe familial industriel, la Boyauderie Moderne, fait faillite. François est resté traumatisé par cette mésaventure familiale : « Nous nous sommes aperçus que nous n’avions plus rien, plus de voitures, plus de maisons. Je me suis reconstruit avec la musique et l’art. Je ne sais ni tenir un pinceau, ni sculpter, mais en ouvrant mes 18 galeries, j’ai essayé de poursuivre une saga familiale d’entrepreneur. »

Galeriste : un métier, une passion !

François Chabanian aime les rencontres, il aime les artistes et les collectionneurs. Dans les années 70, avec son groupe de jazz Exprime, il bat la campagne française pendant 4 ans. Puis, il s’oriente vers un autre métier, sous l’impulsion de sa mère qui le rattrape sur les routes de cette vie de troubadour. Il devient vendeur…de livres.

Dans les années 80, il se retrouve à Paris, pour vendre des encyclopédies, chez Hachette. Puis, très rapidement, il vend des livres d’art de haute bibliophilie. « Imaginez tous les grands textes de la poésie et de la littérature française illustrés par les grands artistes de l’époque, comme Salvador Dali et les maîtres de l’Ecole de Paris. J’avais la chance pour ceux qui étaient vivants, de visiter leurs ateliers. »

C’est dans ce cadre qu’il rencontre des artistes, comme Bernard Buffet. Puis, il se familiarise de plus en plus avec le marché de l’art contemporain. Il rencontre des galeristes et des collectionneurs. Jusqu’à l’âge de 30 ans, il est courtier en livres d’art et en estampes. Il patiente, puis, se lance comme galeriste. Il est obligé d’innover, car le marché de l’art reste un milieu très fermé et très coûteux. Il n’a pas les moyens d’ouvrir sa première galerie. Avec deux autres marchands, Robert Bartoux et Gilles Dyan, il trouve l’idée « géniale » d’ouvrir des galeries d’art dans les stations de ski et les stations balnéaires. C’est le début de son métier-passion. En 1989, il commence son métier de galeriste.

« Nous avons commencé en louant des salons dans les hôtels des stations de ski d’Avoriaz et de Val d’Isère, pour y exposer des œuvres. » Puis, il parvient à ouvrir sa première galerie, la Galerie Chabanian Le Baron, avec son épouse. Il y attire les cadres, les professions libérales, les hommes d’affaires, les chefs d’entreprise, et, les vieilles familles. En juin 2004, 15 ans après, il revend son réseau de galeries. Il s’installe à Genève et lance un nouveau réseau sous la marque Bel-Air Fine Art. Son ambition ? « Avoir une présence internationale et une offre d’artistes plus côtés. » Cette fois-ci, son fils Grégory vient le rejoindre et s’associe. Il n’a pas 30 ans et son père en à bientôt 50. En 17 ans, ensemble et avec leur équipe composée, aujourd’hui, d’une cinquantaine de collaborateurs fidèles et passionnés, ils vont ouvrir une vingtaine de galeries.

Un succès familial

« Le marché de l’art n’est pas en crise, il se porte bien. », chantonnerait presque François. Pour leur 15è anniversaire, en 2019, à Genève, il y avait tellement de monde que l’évènement festif a eu lieu en partie à l’extérieur de la galerie, dans la rue. Quelle est la clef de leur réussite ? François ne s’en cache pas. Avec son fils, il a le don de choisir les emplacements de ses galeries (les meilleurs), et, les artistes qui sont recherchés. « Aujourd’hui, ce sont les mouvements post pop-art, le street-art, l’art-optique, la photo contemporaine qui font notre succès. » Avec un stock global de 3000 œuvres, et, l’exposition de 120 œuvres sur les murs de sa galerie de Saint-Tropez, François tient compte de tout, de chaque détail. Il prend soin de celui qu’il appelle le « regardeur », l’amateur d’art, le curieux, et, le collectionneur. Et cela marche. Le chiffre d’affaires moyen du groupe est de 30 millions d’euros.

« Nous vendons plus de 200 œuvres par mois. Notre panier moyen est de 12000 euros. Nous avons plus de 25000 collectionneurs actifs, précise-t-il » Entre les deux, entre le fils et le père, les tâches sont bien réparties : François, le Président du groupe, est, aussi, le Directeur Artistique. Grégory, en est le Directeur Général, il s’occupe de l’organisation du groupe, de son fonctionnement et de sa gestion. Les décisions sont communes. Le succès venant, la question de la franchise s’est posée. Et, elle est effective depuis 3 ans. Après la franchise historique de Verbier, la franchise de Monaco s’ouvre en 2018 (celle de Gianluca Gaudio).

Ce dernier possède la télévision TV Art Live. En tout, 3 franchises se sont ouvertes, et, d’autres sont à l’étude. Le succès n’arrivant jamais seul un fonds d’investissement, Initiative & Finance, a rejoint le groupe familial, il y a quatre ans. La mélodie artistique de Bel-Air Fine Art, menée par François et Grégory Chabanian, ressemble à une envolée lyrique. Le père avait peur de manquer, à la suite de la faillite industrielle familiale. Il semble vouloir assurer les prochaines générations d’un développement inédit. Ce qui est certain, c’est qu’il s’en donne les moyens. Car le groupe veut être plus visible. Il organise chaque année plus de 50 évènements à l’extérieur de ses galeries. Malgré le Covid et la chute du chiffre d’affaires de -30%, sur le prochain agenda de François est notée l’ouverture d’une nouvelle galerie.

La balade, elle, s’arrête sur l’Arménie, avec cette dernière question sur la spiritualité. Arménien catholique non pratiquant, François définit l’artiste comme « un créateur d’émotions authentiques et uniques dans un monde de plus en plus formaté, d’objets inutiles mais rigoureusement indispensables pour enrichir notre âme et notre esprit trop souvent matérialistes. Et, nous les galeristes d’art, nous sommes des passeurs d’humanités, de sens et d’émotions. » Ce sont, aussi, des musiciens, des philosophes, des poètes…Prochaine mélodie ? A Porto Monténégro, pour une exposition de sculptures.

Reportage réalisé par Antoine BORDIER, Consultant et Journaliste Indépendant


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