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Macron, le disrupteur

(Photo Eliot Blondet/ABACAPRESS.COM)

Par Leonce-Michel Deprez, entrepreneur et homme politique.

Tribune. Macron est le continuateur conscient de Giscard même si sa taille ne lui permet pas de toiser ses interlocuteurs comme le faisait Giscard, avec une certaine moue d’ennui, tant il pensait que son vis-à-vis ne pouvait être plus intelligent que lui. Macron, lui, regarde intensément quand il entame un « shake hand » les yeux de celui qui lui tend la main et cherche à dialoguer. Tel Chirac, il ne craint pas d’aller au contact, parfois affichant avec naïveté (feinte ?) une foi inébranlable dans l’intelligence de l’autre, et cherche à convaincre, avec des mots simples, lui le philosophe attelé à l’action. Chirac était un grand manipulateur, il avait les gouts du peuple car il en partageait certains de ses travers, la paresse, la gourmandise, les femmes, la bonne bouffe, et était pardonné pour tous ces défauts, tant chacun d’entre nous, électeurs, se retrouvait dans son humanité.

Giscard a continué la politique industrielle de son prédécesseur Pompidou. Il a doté la France de son parc nucléaire, réalisé les RER lancé le programme TGV, lancé les rencontres économiques entre les puissances industrielles, les fameux G5 puis G20. Il a fait avancer la monnaie européenne en créant le serpent monétaire. Il a fait face aux deux chocs pétroliers 1973 et 1977.

Il a créé l’indemnisation des chômeurs. Et surtout il a modernisé la société française engoncé dans ses conservatismes, l’autorisation de l’avortement, le divorce par consentement mutuel. C’est sous son mandat que la première femme Marguerite Yourcenar, entre à l’académie Française, il déjeune chez les Français, reçoit son mandat présidentiel en costume et non en queue de pie comme ses prédécesseurs, joue de l’accordéon devant la télé. Il avait 48 ans quand il fut élu. Il était jeune dans une société française encore jeune (l’âge médian de la population était de 33 ans contre aujourd’hui 42 ans) ! Il prétendait incarner le Kennedy européen. Et faute impardonnable aux yeux de la droite, il prit le pouvoir au parti gaulliste contre toute attente et a incarné le centrisme politique dont Bayrou aujourd’hui se réclame.

Macron, après 26 ans d’errance française économique, incarnée par Chirac, qui n’a pas remis en cause les 35 heures de Jospin, Sarkozy par une politique brouillonne, Hollande par l’abandon du programme nucléaire, remet progressivement la France dans les rails d’une croissance pérenne économique. Les ordonnances de Penicaut, rééquilibrent le pouvoir des représentants du personnel, éligibles pour trois mandats et plafonne le montant des indemnités de rupture d’un contrat de travail fixés par les juges. Il supprime le statut cheminot, aux privilèges d’un autre temps et les grands corps d’Etat, l’excellence française mais surtout l’exception française, creuset de toutes les inégalités de traitement des hauts fonctionnaires à l’abri de la précarité de l’emploi et du risque entrepreneurial.

Il réforme le contrat d’apprentissage en profondeur, libéralisant la création des sections d’apprentissages alors étroitement surveillée par l’Education Nationale. La France atteint aujourd’hui 900 000 apprentis, alors que son nombre ne dépassait pas 250 000 pendant tout le Vingtième siècle. Il relance le programme nucléaire et fixe des priorités énergétiques. Et oh sainte horreur, il réforme le système de retraites en reculant l’âge légal de 62 ans, le plus bas du monde à 64 ans, redonnant un peu d’air aux financements par répartition des retraites.

Enfin, il confirme la baisse significative des impôts de production qui pèsent sur les entreprises françaises considérablement pénalisées par rapport à leurs homologues internationales. Ses résultats économiques sont excellents, le chômage n’a jamais été aussi bas depuis 40 ans. La croissance persiste malgré les crises nationales et internationales, les gilets jaunes, la pandémie, la guerre en Ukraine et la France est l’une des destinations les plus prisées du monde pour les investisseurs. Macron est un symbole mondial de réussite. Toute la planète nous l’envie !

Mais en France, on ferme les yeux et on se bouche les oreilles sur cette formidable réussite. Car Macron est aussi un « disrupteur ». Macron c’est l’antithèse de Chirac, le président le plus conservateur de la cinquième République et un reflet de Giscard. Un reflet car en fait, il incarne une rupture alors que Giscard dans sa manière d’être perpétuait une continuation.

Macron, représente aux yeux du peuple toute l’arrogance de la haute vertu. Il est économe de ses mots, de ses gestes. Il est sobre, il est actif, Il n’a pas de maitresse, ni d’amant en dépit de la droite parisienne qui ne cesse de susurrer sa prétendue homosexualité. Et suprême défi, Brigitte sa femme, a plus de vingt ans que lui. Une insulte à la vision traditionnelle du couple, de la masculinité, de notre société patriarcale qui a du mal à se défaire de son réflexe de virilité ancré dans ses gênes depuis si longtemps.

Il est « disrupteur » dans la manière où il a volé la victoire des présidentielles en 2017 à la droite qui ne lui pardonne pas, « une victoire imperdable disait Juppé » !  Bien avant les autres il avait compris que le conservatisme des militants des partis traditionnels ne reflétait plus l’aspiration des générations en action qui préfèrent les réseaux sociaux pour s’exprimer. Il est le premier Président qui a intégré la nouvelle économie numérique dans sa réflexion politique. Fabius, président du conseil constitutionnel, lui déclarait lors de son intronisation à la présidence de la République en 2017, « vous êtes l’homme de votre temps ».

Aussi toutes les formes du conservatisme français se sont déchainées contre lui, et pour cela les conservatistes se sont réfugiés dans la radicalité politique. Il y a deux France qui s’affrontent. Celle de la radicalité conservatiste et celle de la modernité disruptive. Macron est résolument dans la deuxième France, sans concession du fait de sa jeunesse. Il est conscient que quelque soit la puissance de l’immobilité politique qu’incarnent les partis extrémistes Front National, Nupes, l’évolution de la société entrainée par les évolutions techniques considérables et leurs conséquences économiques est sans retour.

Les conceptions politiques d’une France dans une planète à deux milliards d’homme du vingtième siècle dominé par l’Occident ne peuvent plus être celles de la France dans une planère de huit milliards d’hommes dominée par le Pacifique. Voilà pourquoi notre formidable Macron est-il aussi honni par la droite nationaliste d’un autre temps.  Et voilà pourquoi, malgré tout le tapage des médias dominés par la pensée conservatiste, toutes les forces économiques peu courageuses dans les médias, continuent de le soutenir silencieusement, assurant sa réélection en 2022 à la présidence de la République. Le bon sens populaire français avec toutes ses contradictions a dominé le tapage de la rue pour laisser à Macron les rênes du pays. 

Léonce Michel Deprez


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