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Le Rotary Club de Saverne en immersion au Liban

photos Antoine Bordier

Entre le 18 et le 24 mars, le Rotary Club de Saverne à passé, pour la première fois, une semaine d’immersion au Liban, pays qui traverse l’une de ses plus graves crises. Il a rencontré tous les clubs locaux. Nous les avons suivi pendant toute une journée entre Byblos, Tripoli et Batroun. Reportage.

Dans le Boeing qui les emmène au Liban, les 25 membres et proches du Rotary Club de Saverne remplissent un tiers de l’avion Paris-Beyrouth. Il est 12h25 quand l’avion décolle. Il atterrira vers 17h55. Il y a une heure de décalage avec la France (en plus). Madeleine et Wolfgang sont assis côte-à-côte. « Oui, je suis membre du Rotary de Saverne depuis une trentaine d’années. Je suis un entrepreneur. C’est la première fois que nous nous rendons au Liban. Nous sommes impatients de voir le pays du Cèdre… » Une turbulence interrompt son propos. Il continue : « Nous dormons à Byblos ce soir… » Il est de nouveau interrompu. La Présidente du Rotary Club de Saverne vient d’arriver. Elle explique un peu le programme. Elle s’appelle Michelle Ayoub Beyrouthi. Elle est d’origine libanaise, comme son nom l’indique. Elle porte les armes de la capitale. Cette jeune femme a pris la présidence du club de Saverne en 2022. Elle rendra son tablier cette année, en juillet, comme le veut la tradition. Les présidents sont élus pour une année.

Cette spécialiste en design qui vit en France depuis plusieurs années n’oublie pas ses racines. Mariée avec Elie, qui l’accompagne, également, dans cette aventure rotarienne, elle connaît le Liban comme sa poche ou presque. Les aléas de la guerre civile libanaise, entre 1975 et 1990, ont fait que tous les deux ont atterri en France, leur deuxième patrie. C’est là qu’ils se sont connus.

Saverne et le Rotary

Située à 30 mn à l’est de Sarrebourg et au nord-ouest de Strasbourg, dans le Bas-Rhin, non loin des Vosges, Saverne est, d’abord, une ville gauloise, avant d’être une ville romaine. Stratégique, elle contrôlait les routes vers l’est et verrouillait les flux vers l’ouest. Son patrimoine est remarquable tant par ses vestiges romains et médiévaux que par son château, « un petit Versailles », qui a été reconstruit au 18è siècle par la famille de Rohan. D’autres familles illustres, comme la famille de Fürstenberg, ont marqué cette ville. Peuplée, aujourd’hui, de 12 000 habitants, elle est une ville très dynamique grâce à ses industries (brasseries, équipementiers agricoles, fabricants de composants électriques et électroniques) et sa population.

Le Rotary Club de Saverne fêtera cette année ses 70 ans. Il a été fondé en septembre 1953. Il est composé d’une trentaine de membres. « Notre mot d’ordre est Servir pour changer des vies », explique la présidente. En France, les 34 000 membres représentés dans, à-peu-près, 1000 clubs forment une communauté des plus actives et des plus fraternelles. Au niveau international, ils sont plus d’1,5 million de membres à œuvrer dans cet esprit. Présent dans presque tous les pays de la planète (plus de 220), le Rotary Club est l’une des associations les plus puissantes au monde. A travers sa fondation, elle verse chaque année des centaines de millions d’euros dans des projets de développement qui touchent aussi bien les familles que le tissu économique.

Ses objectifs ? Chaque rotarien a à cœur de développer, dans un premier temps, des relations humaines en toute amitié. Professionnellement, il s’attache à viser l’excellence tout en respectant le rôle et les moyens de chacun. Il pratique le service tant dans sa vie privée, que dans sa vie professionnelle et sociale. Enfin, ce qui les réunit tous, et ce qui fait le lien avec l’esprit des fondateurs : ils sont des artisans de paix.

Sur le terrain du Liban

C’est, donc, tout naturellement, que les 17 rotariens de Saverne se retrouvent pour la première fois sur le terrain du Liban. « Après l’Ukraine, où nous avons aidé et réalisé de nombreux projets, le Liban est à la fois une terre nouvelle de découverte et un pays où les besoins sont immenses », explique Wolfgang. A 71 ans, même si l’heure de la retraite a sonné depuis longtemps pour lui, il est très actif et porte plusieurs casquettes, dont celle de serial-entrepreneur. Il est entré au Rotary en…1990 !

Leur semaine va être très intense, tant par les visites, que par les rencontres avec les autres rotariens du Liban.

Dans le pays, le Rotary Club de Beyrouth (RCB) est le premier club à y avoir ouvert ses portes. Nous sommes en 1932. Depuis, des clubs se sont ouverts à Byblos (Jbeil), à Tripoli, à Saida, etc. En tout, une vingtaine de clubs existent.

Il y a 10 ans, en 2013, ces clubs libanais s’unissaient pour financer l’approvisionnement en eau potable de la grande majorité des écoles, en partenariat avec des organismes extérieurs et les ministères compétents.

En août 2020, après les explosions qui ont détruit le port de Beyrouth, fait 223 morts et près de 7000 blessés, endommagé des milliers d’immeubles du centre-ville, ils ont recommencé cette opération et ont financé la restauration de nombreux immeubles. Le Rotary Club est sur le pont.

Byblos, Tripoli et Batroun

Le soleil est radieux ce matin pour rejoindre la ville antique et balnéaire de Byblos, qui se situe plein nord à une heure de Beyrouth. Harout, le chauffeur de taxi a dépassé, lui aussi, l’âge de la retraite. Après la faillite de son entreprise de textile, il est devenu chauffeur de taxi. Mais, la vie n’est pas facile. Il vit en dessous du seuil de pauvreté. Et, les courses le fatiguent, surtout la nuit. Il évite la nuit. A plus de 60 ans, cela se comprend.

En arrivant à Byblos, le changement de décor est époustouflant. On se croirait transporté dans une autre dimension, une autre époque, un autre pays. Les pierres en grès du pays y sont omniprésentes. Et, les vestiges antiques, les colonnes, les dallages, les inscriptions phéniciennes sont légion.

C’est là que nous retrouvons Elie. Il est né à quelques kilomètres de Byblos. Il connaît son histoire, ses recoins et ses secrets par cœur. Son histoire ? « La ville est l’une des plus anciennes cités du monde. Elle a plus de 8000 ans » raconte-t-il en remontant la pente qui longe le vieux port, qui ressemble à un décor de cinéma. Saint-Tropez à côté, fait pâle figure. De nombreux films y ont été tournés. Le célèbre film Gladiator de Ridley Scott aurait pu y dresser sa tente de tournage. Russel Crowe n’aurait pas été contre, lui qui a financé la reconstruction du célèbre restaurant Le Chef, à Beyrouth, après les explosions du port de 2020. C’est lui l’acteur principal. Il y joue le célèbre général romain Maximus, qui défie le fils de Marc Aurèle, Commode.

Après cette escapade dans le vieux Byblos, où nous nous retrouvons 8000 ans en arrière, nous accompagnons le Rotary Club de Saverne en direction de Tripoli. C’est la deuxième ville du Liban, avec ses près de 900 000 habitants. Beyrouth en compte deux fois plus, avec son agglomération. Située au nord, à 1h15 de Beyrouth, Tripoli ressemble étrangement au Caire. Sinueuse, cette ville principalement musulmane y concentre quelques trésors que visitent les rotariens, comme le château de Saint-Gilles, les souks, les jardins où trônent des Jasmins et des Orangers centenaires. Leur guide, Bassam Nahas, est un livre ouvert. Anecdotes, histoires détaillées se multiplient au cœur des murs de cette citadelle médiévale, construite par Raymond de Saint Gilles. Elle est juchée sur un promontoire rocheux qui domine la ville.

Des hammams

Le groupe redescend presque au pas de course. Il est accompagné par une rotarienne qui vit et travaille à Tripoli. Au détour d’une ruelle, les immeubles délabrés et endommagés côtoient de rares immeubles récents. Sur certains, les stigmates de la guerre civile de 1975 à 1990 sont encore visibles. Notamment, sur ceux de la place AlNejmeh, où les traces de balles rappellent cette tragédie. Les fils électriques, la circulation assez dense, les vieilles mobylettes, les coups de klaxons des voitures, les nombreux tripolitains qui vont et viennent comme des fourmis sortant de leur fourmilière, tout cela donne une impression d’effervescence, qui paraît presque chaotique. La densification se multiplie à mesure que nous descendons vers le centre-ville. Le guide fait visiter des hammams. Certains sont encore en service. Ce n’est pas le cas de celui qui porte le joli nom d’Ezzeddine. Mais c’est un bijou architectural, une pure merveille patrimoniale. Construit par les Mamelouks au 13è siècle, il est l’un des plus grands du Liban. Y déambuler, s’y arrêter et s’y asseoir à même la pierre, vous fait entrer dans un autre temps, une autre culture, pendant que le guide vous raconte son histoire. Celle du bain, du bien-être, de la chaleur, de l’eau et de ses vapeurs commencerait presque à vous envouter. Le dôme, les murs, la fontaine, les couleurs bleu et ocre, le dallage vous fait passer du stade argileux, au stade liquide. Ou le contraire. Vos pieds, si vous avez pris le soin de marcher pieds nus, se modèlent et se confondent avec le grès du dallage.

Khan Al Saboun et les parfums d’Orient

Le groupe repart vers les souks, ceux de Nahhasine et de Al Areed. Puis, il emprunte le passage du Khan el-Khayyatin, et s’arrête devant le caravansérail d’AlSaboun. L’endroit est magnifique avec sa cour intérieure dominée par un énorme bassin rectangulaire en pierre. C’est là, que l’on peut trouver le célèbre savon Khan Al Saboun, ainsi que l’huile d’olive et des parfums. Depuis 1480, on y fabrique des savons et on les commercialise dans le monde entier. Tout le caravansérail est, ainsi, parfumé. La famille du docteur Bader Hassoun a pris le relais de cette histoire. Il est, d’ailleurs, en fort développement.

Le groupe repart, ensuite, de Tripoli, en direction de Batroun.

La station balnéaire de Tripoli

« C’est un bijou », s’exclame Annie, qui succédera, certainement, à la présidence du Rotary Club de Saverne, en juillet prochain et qui remplacera, donc, Michelle. Bijou balnéaire, la ville portuaire de Batroun, à mi-chemin entre Tripoli et Byblos, est avant-tout une pépite archéologique. En dehors de la saison touristique, 30 000 habitants y vivent. Mais, il faut multiplier ce chiffre par 4 ou 5 en pleine saison touristique. Cette ville serait plus jeune que celle de Byblos (ou Jbeil, « petite montagne », en arabe levantin ou libanais). La première serait sortie de terre vers – 3000 avant JC, et la seconde vers – 5000. Il est plus que remarquable de constater que la présence phénicienne s’affiche encore sur les plages de Batroun, notamment, par une partie du mur d’enceinte qui entourait, jadis, toute la ville. La mer et le sable, à cette époque, se trouvaient à plusieurs centaines de mètres du lieu actuel.

Des églises Grecs-Orthodoxes, comme celle de la Vierge Miraculeuse Sainte-Marie de la Mer, et Maronites, comme celles de Saint-Etienne, de Saint-Joseph ou de Saint-Elie, illustrent la riche présence chrétienne.

En arrivant sur place, les rotariens échangent leur bus contre des voitures électriques et visitent la ville de façon très écologique. Ils s’arrêtent au vieux port, prennent des clichés. Ensuite, plusieurs haltes étonnantes se succèdent : celle du limonadier Hilmi’s House of Lemonade (le Liban regorge de citrons), du vieux quartier historique entièrement reconstruit qui porte le joli nom de Diaspora Square, Place de la Diaspora. La diaspora libanaise est présente dans le monde entier. En tout, selon les chiffres du Ministère de l’Information, ils seraient entre 12 et 14 millions de personnes d’origine libanaise à vivre dans, presque, la totalité des pays du monde entier.

Des rotariens et des rotariennes…

Nous sommes, déjà, le vendredi 24 mars. Le Rotary Club de Saverne rentre en France. Cette première visite sera, certainement, suivie d’autres. Pour l’instant, l’heure est au bilan et aux meilleurs souvenirs.

En une petite semaine, ils ont sillonné les 4 points cardinaux du pays. Ils ont rencontré, à chaque fois, leurs coreligionnaires, comme Kamal Assaf, un ancien Président du Rotary Club de Batroun. C’est un serial-entrepreneur dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Il a lancé des applications mobiles pour aides les mal-voyants.

A Tripoli, c’est Randa Zaouk que le groupe avait rencontré. Elle travaille dans le tourisme et co-gère une agence de voyage. Elle aussi est francophone. Elle a fait une partie de sa scolarité au Lycée Saint-Aspais de Fontainebleau.

Michelle Ayoub Beyrouthi est visiblement heureuse : « Notre semaine a été très intense, nos rencontres et nos visites également. Nous sommes fatigués, mais nous sommes ravis d’être venus au Liban. Nous avons pu en plus distribuer des médicaments et des colis alimentaires. Nous devons rentrer, mais avec d’autres clubs rotariens du nord de la France, nous avons des projets pour le Liban. » Elle avait préparé cette semaine de visites avec Roula Franjyé du Rotary Club d’Ehden.

Les rotariens de Saverne décollent, mais c’est, certain, maintenant, ils reviendront…plus nombreux.

Reportage réalisé par Antoine Bordier


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