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La deuxième révolution imminente de l’Iran est vraiment une continuation de sa première

Entreprendre - La deuxième révolution imminente de l’Iran est vraiment une continuation de sa première

Les révolutions sont un phénomène rare. Ils dépendent d’une tempête parfaite de conditions dans et autour de la société affectée, y compris une unité d’objectif parmi les citoyens qui est difficile à atteindre en toutes circonstances, et encore moins dans des circonstances de troubles généralisés et de répression systématique. La société iranienne a connu sa révolution historique il y a 44 ans cette semaine, mais l’unité affichée en 1979 était basée sur des principes bien différents de ce que vous pourriez supposer.

Lorsque le chah a été déposé le 11 février de cette année-là, l’écrasante majorité du peuple iranien croyait que cela les conduirait à l’autodétermination dans le cadre d’un système véritablement démocratique. C’était, en fait, ce que Ruhollah Khomeiny avait promis lorsqu’il s’était fait le champion de la révolution alors qu’il était en exil en France. Ce n’est qu’après son retour dans son pays natal pour superviser la transformation ultime du pays que ses vraies couleurs sont devenues claires et qu’il s’est imposé comme chef suprême au sein d’un système théocratique qui a renversé les objectifs d’innombrables révolutionnaires.

Les groupes qui avaient contribué à l’éviction du chah, tels que l’Organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI), auraient pu s’opposer à la prise de pouvoir de Khomeiny si ce n’était du fait qu’ils sont restés diminués à la suite d’un conflit intense avec le chah. Personne n’était en mesure d’arrêter la prise de pouvoir que peu avaient vu venir, et ainsi Khomeiny a rapidement fait dérailler la révolution populaire pour la transformer en quelque chose de complètement différent.

Ce n’est bien sûr pas sans précédent historique. L’élan de la Révolution française était bien exprimé dans le slogan « liberté, égalité, fraternité », mais le renversement d’une monarchie corrompue et répressive a finalement conduit à la création d’un empire encore plus répressif.

La route a été longue pour la France pour arriver à son statut d’État démocratique moderne. Une deuxième révolution pour récupérer les principes de son prédécesseur aurait été presque impensable. Les circonstances de la révolution sont si rares qu’il est difficile d’imaginer qu’elles ressurgissent dans la même société au cours d’un même siècle, a fortiori dans l’espace d’une seule vie humaine. Cependant, en ce moment, l’Iran semble prêt à réaliser l’impensable et à raccourcir considérablement son long cheminement d’une dictature à une autre, jusqu’au point final de la démocratie.

Cela semble en quelque sorte approprié, car la révolution iranienne de 1979 était considérée comme impensable par les experts occidentaux dans les mois qui l’ont précédée. C’était précisément le mot utilisé dans un câble diplomatique de l’ambassade des États-Unis à Téhéran, qui avertissait, pour la première fois, que les jours du chah pourraient être comptés. Au moment où Washington a reçu ce message, il était trop tard pour les changements dramatiques de la politique iranienne qui auraient été nécessaires, et donc l’establishment occidental a été largement pris au dépourvu lorsque la révolution a atteint son objectif initial de changement de régime.

Pendant une grande partie de l’histoire postrévolutionnaire de l’Iran, les décideurs occidentaux ont probablement supposé qu’ils n’auraient pas besoin d’apprendre de cette erreur, car l’Iran avait déjà subi sa révolution et qu’une autre était impensable. Il fut un temps où cette perspective aurait pu être justifiable, mais ces dernières années et surtout au cours des cinq derniers mois, la société iranienne s’est montrée orientée vers une remarquable anomalie historique. Le potentiel existe clairement pour une deuxième révolution, et une qui revendique spécifiquement les objectifs originaux et démocratiques du mouvement pour renverser le chah.

Depuis la mi-septembre, la République islamique connaît un soulèvement national déclenché par l’assassinat de Mahsa Amini aux mains de la « police des mœurs ». Alors qu’il se concentrait initialement sur le voile forcé et les droits des femmes, le mouvement de protestation est devenu le dernier exutoire des appels explicites à la révolution. Et la continuité de la révolution actuelle avec les objectifs contrariés de 1979 se reflète dans certains des slogans caractéristiques du mouvement, tels que « à bas l’oppresseur, que ce soit le chah ou Khamenei ».

Ce message a été largement diffusé depuis 2014 par un réseau d' »unités de résistance » associées à l’OMPI, l’organisation qui a contribué au renversement du chah, puis s’est rapidement imposée comme l’ennemi juré des mollahs à la suite de la prise de pouvoir de Khomeiny. Au cours des 44 années qui ont suivi, l’OMPI a continué d’acquérir un soutien non seulement parmi le peuple iranien mais aussi parmi les législateurs occidentaux, dont 172 membres de la Chambre des représentants des États-Unis qui ont récemment parrainé une résolution en faveur des manifestations ainsi que le plan en 10 points rédigé par la dirigeante de l’OMPI, Maryam Radjavi.

Mme Radjavi a été désignée par le Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI) pour servir de présidente de transition après le renversement des mollahs, et son plan garantit l’avenir démocratique que tant d’Iraniens envisageaient lorsqu’ils se sont engagés à vaincre le chah. Les partisans du CNRI se réuniront dimanche en France pour célébrer l’anniversaire de la révolution de 1979 et souligner sa continuité avec le mouvement révolutionnaire qui se dessine actuellement dans leur pays.

La communauté internationale serait bien avisée de prêter attention au rassemblement de dimanche et d’envisager les solutions concrètes qu’il proposera probablement pour éviter le genre d’erreurs qui ont tourmenté la réponse occidentale à la première révolution. Leur soutien pourrait facilement aider l’Iran à réaliser ses ambitions démocratiques longtemps étouffées et à en faire la seule société moderne à subir deux révolutions en l’espace de 50 ans.

Hamid Enayat


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