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Iran : la jeunesse veut en finir avec le régime

Entreprendre - Iran : la jeunesse veut en finir avec le régime

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Par Hamid Enayat*

La mort de Mahsa Amini a été l’étincelle dans le baril de poudre du mécontentement de la génération 80 dans le calendrier persan équivalent des années 2000, dont la présence et le courage dans les manifestations ne cessent d’impressionner. Les « 2000 » englobe les personnes nées entre 1995 et 2008.

Cette génération a grandi en ligne avec internet et le monde virtuel. On dit qu’avant le soulèvement actuel, plus de 70 % avaient accès à la toile. Internet l’a familiarisée avec les cultures et les pays du monde, étouffant l’impact du carcan moyenâgeux des mollahs, qui règne sur tous les aspects de la vie, des manuels scolaires à la télévision en passant par le cinéma.

Ces jeunes sont revêches à l’autocensure et expriment facilement leurs sentiments. Ils ont le droit de s’exprimer au sein de la famille. De plus, ils sont téméraires et rebelles à la soumission. Ils ne veulent ni s’autocensurer ni enterrer leurs rêves.

Grâce à la toile et à ses applications, cette génération a pu ouvrir plusieurs boîtes noires des mensonges du régime. Et cela l’a amenée à découvrir de nombreuses vérités qui ont aiguisé son opposition et son désir de renverser la tyrannie religieuse.

Les boites noires

Parmi ces boites noires, elle a décrypté le massacre des prisonniers politiques de l’été 1988.  Cette année-là, 30.000 prisonniers politiques, à 90% issus des Moudjahidine du peuple (OMPI/MEK) les ennemis jurés des mollahs, ont été exécutés. Les « 2000 » savent que ce massacre a été ordonné par une fatwa de Khomeiny à la fin de la guerre Iran-Irak pour compenser sa défaite à la guerre et assurer la survie de son régime. Ils savent aussi que les mollahs sont allés jusqu’à détruire des fosses communes afin d’effacer les traces de ce massacre.

Cette génération a déchiffré la boîte noire de la guerre inhumaine de Khomeiny (fondateur de la République islamique) contre l’Irak pour étendre sa domination sur la région, et faire passer cet effroyable carnage pour une « défense sacrée ». Elle sait que le conflit a servi à occulter la répression interne. Elle est parfaitement consciente du fait que des millions d’Iraniens ont été tués, blessés et mutilés uniquement pour maintenir le régime en place.

Cette génération a identifié ceux qui ont sacrifié leur vie pour l’Iran sous les tortures médiévales des mollahs et sait très bien qui se soucie du pays, même si une avalanche de médias, de publications et de films officiels dit le contraire.

Fin de jeu

Les « 2000 » ont compris que les réformistes et les radicaux qui se partagent le pouvoir ne sont qu’un scandaleux jeu de dupe pour fourvoyer le peuple. C’est cette génération qui pour la première fois a scandé en 2018 : « réformateurs, radicaux, la partie est terminée ».

Elle a lu la boîte noire des patrouilles du vice et sait que la répression des femmes n’est pas due à la religion ni même au hijab, mais sert à contrôler une société dont les aspirations politiques et culturelles sont réprimées. C’est pour cette raison que la dictature religieuse détient un record d’exécutions dans le monde et qu’elle est le centre du massacre des innocents. C’est pour cela que des jeunes courageuses comme Sarina et Nika ont voulu effacer de l’histoire de l’Iran ce régime démagogue qui se pare de religion.

Cette génération a relu la boîte noire des massacre perpétrés en Syrie par Qassem Soleimani, le numéro deux du régime, anéantissant des dizaines de milliers d’enfants et de jeunes, uniquement par besoin de couvrir la répression en Iran. Elle a décrypté la boîte noire des ingérences de la théocratie dans les pays de la région.

Nucléaire et terrorisme

Elle a décodé la boîte noire du nucléaire qui a dévoré des milliards de dollars de la richesse du pays pour garantir la survie des mollahs.  Elle a été témoin de l’exportation du terrorisme et de l’intégrisme qui a inondé d’argent et de facilités d’autres pays, paupérisant les Iraniens.

Les « 2000 » ont été témoins de la politique d’hécatombe menée par le régime lors de l’épidémie du coronavirus, comment Khamenei a interdit l’entrée de vaccins étrangers valides pour la population et comment leurs proches et amis et des milliers d’Iraniens innocents sont morts dans l’embargo sur les vaccins. Ils ont vu comment les pasdarans ont vidé les poches du peuple pour lui faire acheter de faux vaccins qui ont fauché une multitude de vies.   

La différence entre cette génération et celles qui l’ont précédée est qu’elle n’a plus rien à perdre et surtout qu’elle ose imaginer un avenir sans ce régime.

Abysses

Qalibaf, l’actuel président du Parlement iranien, a déclaré dans un débat électoral à la télévision que 5 % des Iraniens avaient suffisamment d’argent, tandis que 95 % avaient de nombreux problèmes pour finir le mois, la semaine, voire la journée.

Dans ces abysses sociaux qui se sont creusés en Iran, presque toutes les couches de la classe moyenne ont été projetées vers le fond, formant une nouvelle classe très politisée qui sait ce qu’elle veut et ce qu’elle ne veut pas.

Cette génération a connu la ruée des affamés sur les poubelles pour y trouver un quignon de pain dans un pays regorgeant de pétrole, de gaz et de mines. Elle a vu comment une foule de sans-abris dort dans des tombes, sur les toits ou les trottoirs, et l’absence d’équipements qui une croissance saine de la jeunesse.

Elle a vu et souffre des inégalités criantes, de la discrimination, de la corruption rampante de l’Etat, du pillage et de la violence. C’est pourquoi elle est déterminée à détruire toutes les représentations de ce régime. On ne trouve plus de panneaux d’affichage avec des portraits de Khomeiny, Khamenei et Qassem Soleimani qui n’aient été incendiés.

Aspirations

Cette génération est maintenant descendue dans la rue pour réclamer la liberté et un avenir. Elle veut changer le destin noir que le gouvernement veut lui imposer. Elle défie les mollahs, s’oppose à la culture imposée et l’enflamme de sa colère.

Oui, comme le disent les manifestants, ce n’est plus une protestation mais une révolution. Une révolution contre le pouvoir sanguinaire le plus réactionnaire et le plus corrompu des 3000 ans d’histoire de l’Iran.

Hamid Enayat
Hamid Enayat est un analyste iranien basé en Europe. Militant des droits de l’homme et opposant au régime de son pays, il écrit sur les questions iraniennes et régionales et en faveur de la laïcité et des libertés fondamentales.


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