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Il y a 33 ans, un terrible séisme frappait l’Arménie

Copyright photo A. Bordier et DR

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De notre envoyé spécial, Antoine Bordier

Ce 7 décembre 1988, dans la région du Caucase, un séisme frappe le nord de l’Arménie. Des milliers de morts sont à déplorer. Le monde s’arrête et se rend au chevet du peuple Arménien, bravant l’URSS, colosse aux pieds d’argile encore debout, qui ouvre ses frontières aux secouristes. Retour sur cette tragédie.

L’Arménie, et ce qu’il en reste à la suite des persécutions et des guerres, qui, au long des siècles, ont réduit son territoire, est un pays-confetti. Coincé entre la Turquie à l’ouest, la Géorgie au nord, l’Azerbaïdjan à l’est, et, l’Iran au sud, c’est le premier pays chrétien au monde.

En 301, le roi Tiridate IV, est malade. Il fait, alors, libérer le chrétien Grégoire, qui croupit dans une fosse depuis 13 ans, en raison de sa foi qu’il n’a pas voulu abjurer. Le futur saint Grégoire l’Illuminateur, le premier Catholicos de l’histoire de l’Eglise Apostolique Arménienne, le guérit. Le roi se convertit, alors, et, entraîne derrière-lui tout son peuple. Deux ans après, débute la construction de la première cathédrale du monde, Sainte-Etchmiadzin. Cette cathédrale existe encore de nos jours. Elle est, actuellement, en pleine restauration. Elle fait partie de la Cité Sainte de l’Eglise Apostolique Arménienne, qui se situe, également, à Etchmiadzin, l’équivalent du Vatican en Arménie. Cette chrétienté a survécu à tous les assauts de l’histoire, aux conquêtes arabes, byzantines, perses et turques. Son territoire a, cependant, été divisé par 10 en un millénaire, et le pays s’est vidé de sa population. La diaspora arménienne représente aujourd’hui 7 millions de personnes sur 10 millions au total. L’Arménie a, de plus, subi le génocide de 1915, et, la soviétisation à marche forcée.

A la fin des années 80, l’Arménie fait toujours partie de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques, de l’URSS. Ce colosse est en fin de vie. Son empire craque de partout, les manifestations, les protestations, les poussées virales de libéralisation se multiplient.

1988, l’année de la liberté ?

En 1988, la grande majorité de l’élite arménienne travaille sur des projets d’indépendance politique. 3 ans auparavant, en 1985, Mikhaïl Gorbatchev est arrivé au pouvoir à Moscou. C’est un révolutionnaire inversé. Il ouvre la voie à une sorte de démocratisation politique, à travers son programme « Glasnost », (« dégel » ou « transparence »). En Arménie, il est pris de vitesse. Le 20 février, les responsables politiques de l’enclave arménienne du Haut-Karabakh, qui se situe en Azerbaïdjan, et, que Staline a livré aux mains des Azéris en 1921 (appliquant à la virgule près le fameux adage ‶ diviser pour régner ″) réclame son rattachement à l’Arménie. Dans tout le pays, et, dans l’enclave, sous la houlette de quelques dirigeants du Comité Karabakh, de gigantesques manifestations populaires et des grèves sont organisées.

Gorbatchev, de son côté, ne veut pas que l’on touche aux frontières actuelles. Pour lui, ce serait un précédent, qui aurait des conséquences graves et mettrait le feu à tous ses satellites. A Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan, le pouvoir répond à cette poussée de liberté par la répression pure et simple des Arméniens. Dans les rues de la capitale, on commence à déplorer des morts. Puis, le 27 février, ce sera le pogrom de Soumgaït, la 3è ville du pays, qui se situe au nord de Bakou, sur la côte de la mer Caspienne. Plusieurs centaines de morts seraient dénombrées (le chiffre exact n’a jamais été publié). L’URSS est obligée d’envoyer ses troupes pour rétablir l’ordre. Le vent de liberté est étouffé.

Le tremblement de terre de 1988

Ce 7 décembre, il est 11h41 lorsqu’en moins de 10 secondes, dans le nord du pays, dans la région de Lori, à Spitak, un souffle tellurique ouvre une faille d’une vingtaine de km. En 30 secondes, la ville de 17 000 habitants est détruite, ainsi qu’une soixantaine de villages. Gyumri, la deuxième ville du pays est frappée, également, en plein cœur. Plus de 300 villages des environs seront touchés. Officiellement, ce séisme de magnitude 6,9 sur l’échelle de Richter, a fait entre 25 000 et 30 000 morts, plus de 15 000 blessés et plus de 500 000 sans-abris. Une grande partie de la diaspora arménienne se rend alors à son chevet, accompagnée des ONG humanitaires. En France, c’est Charles Aznavour qui entraîne la diaspora francophone. Avec d’autres artistes, il enregistre la chanson Pour toi Arménie. Il s’y rendra quelques semaines plus tard, le 4 février 1989.

En 2021, de nouveaux séismes de moindre importance ont frappé l’Arménie. Une demi-douzaine de tremblements de terre ont, cependant, dépassé la magnitude de 4. Selon le ministère, 80% du territoire est concerné par le risque sismique. Ce petit pays martyr frappé par les séismes, les guerres et le génocide, reste debout, malgré tout. D’autres menaces, qui rappellent la guerre de 2020, sont là, tapis dans l’ombre.

De nouvelles menaces ?

La menace d’une invasion de l’Arménie par l’Azerbaïdjan reste d’actualité. En novembre dernier, une nouvelle incursion militaire en Arménie a fait une vingtaine de morts et de blessés entre les belligérants. Poutine a dit stop aux Azéris. Le can Aliev, famille népotique au pouvoir depuis 1993, s’impatiente. La paix sera-t-elle pour demain, dans cette partie éloignée du Caucase ?

La question se pose d’autant plus que plein nord, des troupes russes s’agglutinent par centaine de milliers près de la frontière ukrainienne. Le rapport ? Le risque d’une invasion de l’Ukraine par la Russie serait plus que probable selon le Pentagone. Si tel était le cas, cela entraînerait une instabilité dans toute la région. Aliev et Erdogan auraient, alors, les coudées franches pour réaliser leur jonction et donner libre-cours au panturkisme. Rappelons que l’Arménie et la Russie ont signé une convention d’assistance et d’intervention militaire dans le cas où l’intégrité du territoire arménien serait remise en cause. Mais lors de la guerre de 2020 et la défaite arménienne, on a pu constater les limites d’une telle convention où les troupes russes se sont limitées aux opérations de gardes-frontières. Espérons que ce puzzle de menaces à la fois telluriques et belliqueuses entre des nations souveraines ne fasse pas chuter la paix. A quelques jours de Noël ce serait de mauvais augure.

Antoine Bordier


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