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Eric Ciotti doit choisir entre Macron ou l’alliance des droites

Jean-Bernard Vernier/ABACAPRESS.COM

Le parti des Républicains est au bord de l’implosion. Car cohabitent en son sein autant qui poussent à un compromis législatif avec le parti Renaissance d‘Emmanuel Macron qu’au contraire ceux prêts à une alliance des droites, y compris le Rassemblement national, sur le mode de la nouvelle majorité formée récemment en Italie. Un vrai cas de conscience pour l’ex-parti majoritaire devenu un mouvement d’élus, qui n’aura fait que 4,9% aux dernières élections présidentielles.

« On ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens. » La fameuse phrase du Cardinal de Retz souvent citée par Francois Mitterrand qui en connaissait un rayon en matière d’équivoque, s’applique à merveille à la situation du parti des Républicains. Et ce n’est pas la victoire nette à sa tête  d‘Eric Ciotti avec 53,7% des suffrages qui vient régler pour l’instant la situation pour le moins ambiguë de l’ex-parti gaulliste devenu au fil de ses renoncements et de son embourgeoisement un authentique parti centriste.

La victoire de l’élu des Alpes-Maritimes marque à tout le moins un besoin de davantage d’autorité et de droiture dans un mouvement qui finalement ne sait plus trop où il habite. Au point même qu’un candidat, Aurelien Pradié, 36 ans, prétendait même faire campagne en dénonçant celui-là même, Nicolas Sarkozy, l’homme qui reste le dernier président du parti de droite à être devenu président de la République. La jeune garde est-elle  tellement pressée d’en finir avec ses prédécesseurs au point d’en arriver à piétiner sans raison leur image ? On marche sur la tête.

J’ai eu l’occasion de croiser notre jeune homme pressé du Lot lors d‘une émission sur Sud Radio au micro du sémillant Philippe  David. C’était en 2017 au tout début du premier quinquennat Macron, à propos de l’affaire Benalla. J’avais été stupéfait de voir l’intransigeance de ce jeune député vis à vis d’une affaire  certes sérieuse et symbolique mais qui en aucun cas ne pouvait s’apparenter à une affaire d’Etat. La suite a montré ce qu’il en était du reste.

Le dysfonctionnement au plus haut niveau de l’Etat était certes indéniable mais pas au point d’en faire un casus belli propre à vouloir empêcher le président fraichement élu de pouvoir appliquer ses réformes. Ce n’était pas l’intérêt du pays. Je préférais de mon côté qu‘on s’oriente sur les sujets de fond de la politique. Et je ne crois pas m’être beaucoup trompé. Outre l‘immigration incontrôlée ou l’insécurité, l’incapacité du nouveau président à vouloir maîtriser et même réduire les dépenses improductives d’Etat restent un des marqueurs les plus négatifs de son action. Notre amie, la présidente de l’Ifrap, Agnès Verdier-Molinié, et chroniqueuse au magazine Entreprendre, ne se prive pas de rappeler que le poids supporté par nos entreprises en France reste le plus élevé et de loin de tous les pays développés. Selon elle, les entreprises françaises payent 6% de PIB de plus que leurs concurrentes de la zone euro, soit un fardeau supplémentaire de 148 milliards d‘euros en trop. Excusez du peu !

De de cela, personne ne fait grand cas, et pas plus notre ambitieux Aurélien Pradié qu’un autre. C’est dommage pour quelqu’un censé incarné la jeune garde du gaullisme justement. Se souvenir à ce propos des rodomontades budgétaires de Michel Debré.

Pour revenir à l’élection d‘Eric Ciotti, la vraie différence se mesure sur un ton plus martial et médiatique que celui de son challenger, le professoral Bruno Retailleau. Un homme qui a du fond mais dont le charisme ne traverse pas l’écran spontanément. Finalement, Sarkozy et Fillon ; ce n’était pas si mal. À l’adresse des nouveaux dirigeants des LR, pourrait-on reprendre les invectives de l’essayiste Maxime Tandonnet qui à juste titre rappelle dans Le Figaro que : « Les Français attendent plus qu‘on leur parle de la France que de la droite.“ Il n’a pas tord ; n’oublions pas qu’une grande partie de l’électorat de ce qu‘on appelle la majorité silencieuse s‘est traduit, rappelons-nous, par un taux d‘abstentions record de 53,7% au second tour des dernières élections législatives de 2022 ! C‘est dire si le réservoir de voix est important pour un parti régénéré qui saurait les capter. Mais pas avec un parti attrape-tout. Sur un sujet qui préoccupe autant nos compatriotes que l’immigration incontrôlée, Valérie  Pécresse avait préconisé des mesures guère éloignées de celles inopérantes du président Macron. Quand aux impôts de production, c‘est à peine si elle voulait les faire baisser.

Comment voulez-vous dans ces conditions que les électeurs de droite y retrouvent leurs petits. Étonnez-vous après qu‘ils lorgnent sur la fermeté du nouveau parti Reconquête d‘Eric Zemmour (devenu en un an le premier parti du pays en nombre d’adhérents), sur la cohérence de Debout la France du valeureux Nicolas Dupont-Aignant ou sur la ferveur patriotique du RN de Marine Le Pen. Sans oublier la force doctrinale du petit parti de François Asselineau, muselé par les médias comme il nous l’indique sur EntreprendreTV avec un record d’audience. Autant de signaux à prendre en compte dans un contexte d‘urgence face à la montée des problèmes (montée de la violence, effondrement scolaire, désindustrialisation, endettement, immigration clandestine, crise énergétique…) qui se posent à nôtre pays. Si bien que beaucoup de nos concitoyens ne comprendraient pas que les LR ne se positionnent pas clairement d‘un point de vue politique. En l’occurrence arriver à choisir nettement entre faire une alliance gouvernementale avec Macron pour faire avancer les réformes essentielles comme le préconise sans fard l’excellent Jean-Francois Copé. Soit au contraire s’atteler à une véritable union des droites, droite nationale y compris avec le RN, Debout la France ou Reconquête, sur le modèle de ce que fait actuellement avec le succès que l’on connaît au delà  des Alpes Madame Giorgia Meloni.

Vouloir ne pas choisir entre les deux tactiques comme peut  être tentée  de le faire  la nouvelle direction des LR est sûrement le pire des choix. Dans la mesure où notre pays ne peut pas accepter de perdre  encore trois ans en restant dans l’enlisement actuel. Entre deux maux, il faut choisir le moindre. C‘est la tâche historique à laquelle est confrontée aujourd’hui Éric Ciotti et ses amis. S‘il refuse de choisir, en croyant que d‘une telle ambiguïté sortira un tapis rouge qui permettra de promouvoir l’arrivée en sauveur à l‘Élysée du président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, un certain Laurent Wauquiez ; il se trompe lourdement. Car nos concitoyens ne veulent plus de faux semblant. Et en plus, ils ne veulent pas attendre. C’est maintenant que nos hommes politiques doivent œuvrer pour le redressement du pays.

Robert Lafont


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