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En Arménie, la start-up verte ArLeAM voit tout en grand

Lancée en 2019 par Vigen et Vahe Badalyan, à la tête du conglomérat familial SoftConstruct, ArLeAM accélère son développement dans le secteur agro-alimentaire.

Copyright des photos A. Bordier et ArLeAM

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Lancée en 2019 par Vigen et Vahe Badalyan, à la tête du conglomérat familial SoftConstruct, ArLeAM accélère son développement dans le secteur agro-alimentaire. Depuis quelques semaines, son nouveau CEO, Vatché Arsène, est aux manettes pour réaliser le pari des fondateurs de devenir l’acteur incontournable du secteur dans le Caucase et au-delà. Reportage à 1300 m d’altitude.

D’Erevan, la capitale, il faut 45 min pour rejoindre le village de Karbi, plein nord, où se situe les terres agricoles d’ArLeAM. Il y a un an, lorsque nous l’avions rencontré, Vigen Badalyan expliquait que « dans cette nouvelle activité et dans ce nouveau secteur, je gère tout avec l’équipe en place et mes partenaires. Je m’y rends une fois par semaine, quand je suis en Arménie. Je peux même dormir sur place. » Lancée en 2019, la marque, qui était en train de devenir une référence nationale, subissait en 2020 les conséquences de la Covid-19.

Mais, cela n’a fait que ralentir le développement de la société. Vigen Badalyan n’aimait pas parler de chiffres, il n’a pas changé. Ils ont, néanmoins, investi en cinq ans plusieurs millions d’euros, dans ce qu’ils appellent « notre petite pépite de terre noire ». Noire, car les terres, ici, sont volcaniques. Elles sont très fertiles. La référence de Vigen en matière agricole reste l’Europe de l’Ouest, la Hollande notamment. Et, ce qui a changé en 2022, c’est qu’il a laissé les brides de sa nouvelle start-up, à un professionnel de la grande distribution.

En arrivant sur place, un chemin pierreux a remplacé la route bitumée. Il longe sur sa droite les premières étendues d’arbres fruitiers alignés à la perfection. A cette heure de la matinée, le soleil est au rendez-vous. A 1300 mètres d’altitude, les températures sont encore clémentes, il fait moins de 20°C. Elles peuvent monter à près de 40°C en plein été. Sur une centaine d’hectares ont été plantés des arbres fruitiers à perte de vue. Les montagnes alentours servent de ligne d’horizon. Un premier bâtiment, qui était en construction l’année dernière, est presque terminé. Plus loin, sur la droite, l’entrepôt de 2 000 m2, où sont basés les bureaux d’administration et de gestion, est en train de faire peau neuve. Vatché est à l’étage. Il supervise les travaux, en passant d’un bureau à l’autre. Il descend l’escalier, sort et nous invite à monter dans un 4×4 tout terrain. Il se transforme en guide pour la visite du domaine, qui va durer presqu’une heure. Avec sa cravate, il ressemble à un gentleman-farmer très corporate.

L’environnement est superbe, les arbres ne sont plus en fleurs et les premiers fruits apparaissent, timides. L’air frais s’infiltre dans la voiture. Nous ouvrons les fenêtres et respirons à pleins poumons l’air pur des montagnes alentours.

Une histoire d’amour

Vatché Arsène se souvient de sa vie d’avant chez Carrefour, qui a duré 18 ans. « Oui, c’est une longue histoire, qui a commencé par celle de l’amour des fruits. Mon deuxième poste à Carrefour était chef de rayon des fruits et légumes entre 2004 et 2005. C’était à Dubaï. Puis, je suis venu en Arménie. Et, là, j’ai gravi tous les échelons, jusqu’à diriger les différentes enseignes de Carrefour à Erevan. Mon désir de rester en Arménie avec ma famille m’a poussé a accepté l’offre de Vigen Badalyan. C’est un beau challenge. »

Il a démarré ses nouvelles fonctions de CEO d’ArLeAM, au mois de mai. Et, il connaît, déjà, ses chiffres clés par cœur. La centaine d’hectares de l’année dernière sont, en 2022, devenues 150 ha. Après les abricots, les poires et les pommes, il faut rajouter 30 nouveaux hectares de cerisiers. Il y a, également, des fraises.

Avec sa nouvelle casquette de CEO, Vatché apporte à la marque en forme de demi-pomme, tout son savoir-faire managérial. Il va rehausser l’organisation de la société, puis améliorer tout le processus de qualité des produits. Enfin, il la mettra aux standards internationaux. Presqu’en même temps, commercialement, il va ouvrir de nouveaux marchés régionaux et internationaux. Au programme de cette montée en puissance, une carte internationale qui s’étendra à l’Est, à toute l’Eurasie, et, aux anciens pays de l’ex-URSS. En ligne de mire, pour couronner le tout, les pays du Golfe, qu’il connaît bien. Au final, un marché aussi grand que l’Union Européenne, de plus de 200 millions de consommateurs. Dans quelques jours, il va vivre sa première récolte de pommes (sur 80 ha), de poires, d’abricots, et de cerises.

Une vision vers le futur de l’Arménie

Avant de lui dire oui, ce qu’il a apprécié chez Vigen Badalyan c’est sa vision. « Il a une vision et des ambitions incroyables. En plus, il réalise ses projets très rapidement. Il a les moyens de mettre en œuvre sa vision. Il voit très loin vers le futur du pays, et, vers son rayonnement à l’international. Il croit beaucoup que l’Arménie peut devenir un acteur majeur dans le secteur agro-alimentaire, à commencer par les fruits. »

Dans les 6 mois qui viennent, ils vont rajouter deux lignes de production à leurs activités : celle des fruits-secs et celle des jus de fruits. Leur développement à grande vitesse semble vertueux, puisqu’ils font travailler, également, des petits producteurs locaux.

Tout au nord du domaine, presqu’à la limite, le 4×4 passe devant des bâtiments en pleine construction et s’arrête. Au milieu des 120 000 arbres fruitiers, un Eco-Resort sortira de terre dans les prochaines années. La barre de l’excellence a été fixée très haute : au niveau le plus élevé de la protection et de la sauvegarde de l’environnement, du leadership en matière de la production énergétique et de l’impact carbone. L’éco-tourisme fait partie de la vision des frères Badalyan. Il y aura, également, un centre hippique. A termes, il parle d’un domaine qui sera recouvert de 200 000 arbres. Une petite forêt de fruits en somme. Un jardin d’Eden qui ressemblerait à celui d’Alice au pays des merveilles ? A côté du centre hippique, le nouveau CEO montre l’endroit où il y aura une ferme d’élevage et de culture à destination des futurs clients de l’Eco-Resort. Ils seront sur place pour déguster ces fruits qui regorgent de soleil, de sucre et de fraîcheur, dans ce pays considéré comme l’un des plus généreux en eaux cristallines.

Une exploitation modèle ?

Il y a un an, c’est Vigen Badalyan lui-même qui organisait la visite. « Ici, disait-il, ce sera le restaurant, avec le laboratoire de qualité et de tests. Plus loin, il y aura de nouveaux frigos pour la production. Et, de l’autre côté un autre entrepôt. » Une vingtaine d’ouvriers s’affairaient, alors, sur ces chantiers. Avec son architecte, il trouvait que cela n’allait pas assez vite. Un an après, force est de constater que les projets avancent rapidement. La start-up verte a bien grandi. Elle ressemble à une jeune adolescente qui pousse très vite !

Nous redescendons avec Vatché vers ses bureaux. Nous nous arrêtons devant son réservoir d’eau, véritable petit étang de 12 000 m3. Mais la sècheresse n’est pas, ici, un sujet. Nous remontons dans la Lada et filons vers son entrepôt et ses bureaux. Nous passons par la réserve, là où sont stockés ses fruits dans d’énormes frigos. Nous discutons de la production. Sur les chiffres, « en 2021, nous avons produit près de 2000 tonnes de pommes et en avons exporté la moitié vers la Russie. Nous avons, aussi, produit près de 200 tonnes d’abricots. Cette année nous produirons presque le double. »

Nous passons devant une machine ultra-moderne, qui vient de Hollande. « Nous l’avons depuis deux ans, explique-t-il. Elle est très pratique : elle lave et trie les fruits. Il ne reste plus qu’à les emballer dans des emballages que nous produisons nous-mêmes. » Cette machine, c’est Vigen qui est allé la chercher chez Greefa, un industriel de renom basé aux Pays-Bas. C’est le leader mondial incontesté dans la technologie du tri et de l’emballage. Autre innovation : le solaire. Vigen a fait installer sur sa ferme un système solaire, qui produit déjà une capacité de 300 kwh. Et, Vatché a carte-verte pour en mettre partout.

Des produits, des services et une équipe

ArLeAM, c’est quoi finalement ? C’est, donc, d’abord un nom, qui correspond aux prénoms de ses enfants de Vigen. Il en a 5. C’est, ensuite, une équipe avec au gouvernail le commandant Vatché. C’est un lieu, une terre, des arbres fruitiers, et, les dernières techniques de production. C’est, enfin, des produits, des services et une équipe. Parmi les produits, il y a, donc, les fruits : ces fameuses pommes jaunes, rouges et vertes. Ces abricots, de 6 familles différentes. Il produit, aussi, des fruits secs, dont raffolent les Arméniens. Mais pas qu’eux. Il y a, également, des chips au goût de carotte, d’aubergine, de betterave, et, de pomme. Dernièrement, ArLeAM a ouvert une nouvelle ligne de produits : celle des jus de fruits. Il ne les produit pas lui-même, comme le miel. Puis, il y a la bière et le vin. Le vin, c’est le sien. Il porte le joli nom de Door (Porte) qu’il produit sur les plateaux de la célèbre vallée d’Areni, à 120 km au sud d’Erevan. Enfin, ArLeAM, c’est, aussi, du thé.

Au-delà de sa propre production, pour l’heure, ses arbres fruitiers, qui viennent de pépinières d’Italie et des Pays-Bas, sont, encore, en croissance. Ils n’ont pas atteint la pleine maturité. Il travaille, donc, avec d’autres producteurs locaux, auxquels, il offre des services. Ils bénéficient, ainsi, de ses machines agricoles, de ses frigos, de sa marque, de son service de marketing et de son réseau de distribution. « Nous proposons les services de tri de fruits et de légumes, avec notre ligne de production Greefa CombiSort. Nous proposons, aussi, des services d’emballage en carton et en bois. »

Des pionniers

Vatché a revêtu sa casquette de maître d’œuvre alors que les disqueuses des ouvriers tournent à fond à l’étage. En bas, il montre la future entrée qui sera modifiée. Elle permettra d’accéder séparément aux bureaux et à la ligne de production. Il monte l’escalier et se dirige vers la demi-douzaine de bureaux en cours de chantier. Les cloisons sont presque toutes posées. Il parle de normes internationales, de normes environnementales, de sécurité, d’hygiène et de qualité. « Nous aurons près de 600 m2 de bureaux, avec un standard international, une réception, une salle d’attente. Nous aurons une cantine pour nos employés, et, même une salle de repos. »

L’entreprise grandit et va doubler de taille en moins de 2 ans. Elle s’organise pour mettre en place tous les services (administration, gestion, finance, commercial) nécessaires à son bon fonctionnement. 60 personnes en tout travailleront pour ArLeAM en 2023. Ils feront partie des pionniers qui sont en train, comme les Badalyan, d’innover et de créer les nouvelles filières agro-alimentaires dans le Caucase, en Arménie.

Reportage réalisé par Antoine BORDIER

           


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