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Donia Kaouach : « la femme tunisienne a eu le droit d’avorter avant la femme française ! »

Cette jeune chef d'entreprise, animatrice de Tunisiennes Fières, milite pour l'émancipation de la société tunisienne et pour un rapprochement avec la France.

Entreprendre - Donia Kaouach : « la femme tunisienne a eu le droit d’avorter avant la femme française ! »

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Cette jeune chef d’entreprise, animatrice de Tunisiennes Fières, milite pour l’émancipation de la société tunisienne et pour un rapprochement avec la France.

Entrepreneur au profil multiple, engagée en politique, Donia Kaouach appartient à une génération tunisienne montante, à la fois consciente de ses racines et tournée vers l’avenir.  Multipliant les initiatives,elle a créé l’été dernier le cercle de réflexion « Tunisiennes Fières », qui accueillait fin septembre sa première Université d’automne, à Carthage. Elle est aussi membre du conseil d’administration de « Femmes Débats Société », le think tank présidé par Catherine Dumas, que nous interrogions dans ces colonnes en juin, l’année dernière. Et puis elle a fait partie, dès 2015, de l’équipe de campagne d’Alain Juppé.

« La France est mon deuxième pays », confie cette jeune femme brillante et volontaire, pour qui les affaires internationales sont tout sauf accessoires.

Parlez-nous de votre parcours…

Je suis née en Tunisie, où j’ai étudié dans un lycée français. Après un double cursus en Droit et Finance, à Paris, j’ai ensuite intégré une banque d’affaires dans les fusions & acquisitions. Puis, j’ai quitté ce secteur d’activité en 2011, au moment de la révolution en Tunisie, pour m’impliquer dans la vie politique de mon pays, à travers la société civile : il n’y avait pas encore de partis politiques constitués, après le départ de Ben Ali. J’ai monté parallèlement un projet dans l’industrie pharmaceutique, avec un partenaire français.

Comment avez-vous vécu la révolution de 2011 ?

Comme un grand bouleversement. En Tunisie, nous avions avant cela une vie relativement tracée. Avec l’effondrement des institutions, il y a eu beaucoup d’incertitude, on s’est demandé si ça n’allait pas être l’anarchie. Le peuple tunisien a toujours été habitué à être dirigé et l’on s’est attendus à des réactions violentes à cause, notamment, des écarts sociaux qui sont très importants. Finalement, les Tunisiens ont fait preuve de beaucoup de raison et de retenue, de beaucoup d’autodiscipline.

La chute de Ben Ali n’a-t-elle pas, selon vous, libéré des énergies quelque peu dangereuses ?

Il y a eu dès le départ une très grande effervescence, surtout dans le domaine culturel. Beaucoup de gens ont commencé à écrire, à faire du théâtre, à dessiner. Et puis, de façon impressionnante, tout le monde s’est mis à faire de la politique. Ce qui n’est pas allé, c’est vrai, sans poser de problèmes puisqu’on a eu les islamistes au pouvoir, du terrorisme… Le chemin est difficile, c’est un pays qui est en train d’écrire une nouvelle page de son Histoire et de faire l’apprentissage de la démocratie, dans la douleur.

En même temps, la société civile est si puissante aujourd’hui qu’elle joue un rôle quasiment aussi important que celui des partis politiques. A chaque fois que notre arsenal juridique était mis en danger, comme lorsque les islamistes ont voulu modifier la Constitution, en disant que la femme n’est plus l’égale de l’homme, mais son « complément », c’est la société civile qui est montée au créneau. On a vu des manifestations très importantes, avec le sit-in du Bardo : les Tunisiennes ont protesté pendant des mois entiers contre cette volonté de modifier nos textes.

Ce qui a changé, c’est la prise de conscience et l’implication des Tunisiens dans la vie de la Cité. Pour ma part, je crois que le problème est avant tout d’ordre économique. Et que c’est moins la misère en tant que telle, d’ailleurs, que les inégalités qui alimentent le fondamentalisme. C’est dans les villes ou les disparités sociales sont fortes que les partis radicaux font les meilleurs scores électoraux.

Comment se porte, aujourd’hui, l’économie tunisienne ?

Quand on regarde le nombre de start-up qui se créent, notamment dans le domaine des nouvelles technologies, de la médecine ou de la pharmacie, on se dit que nous allons avoir de très belles années de croissance devant nous. Le niveau d’éducation est élevé, donc de problèmes de recrutement. De plus, la Tunisie est un pays où il est facile d’entreprendre, la législation est favorable, y compris pour les investisseurs étrangers. Que vous soyez Français ou Américain, vous pouvez entreprendre en Tunisie, et même être actionnaire majoritaire quand vos activités sont à l’export. La législation est faite pour encourager l’investissement étranger.

En juillet 2016, vous créez le cercle de réflexion « Tunisiennes Fières », ce qui est en soi tout un programme. Quel était votre objectif ?

D’abord, faire du lobbying, pour que les femmes Tunisiennes soient représentées dans les sphères de la décision, de façon structurée et organisée. Elles ont élu le président Essebsi avec plus de 1 million de votes, elles ont fait perdre les islamistes, elles ont protesté quand la constitution était en danger.

Aujourd’hui, il y a beaucoup d’énergie, mais on manque encore de synergie. Il s’agit d’établir des ponts entre les femmes Tunisiennes, mais aussi avec les femmesd’autres pays. Il ne faut pas rester enfermées : la Tunisie joue un rôle global au niveau du bassin méditerranéen, au niveau européen également, avec la Commission mixte tuniso-européenne. La femme a un rôle à jouer sur ces sujets. Tunisiennes fières s’inscrit dans cette ligne politique.

Le 30 septembre dernier, vous organisiez une Université d’automne à Carthage, qui avait pour thème : « Réussite au féminin, les projets innovants ». Qu’en avez-vous retiré ?

L’idée était de faire échanger des femmes d’influence, Françaises etTunisiennes, sur les thèmes de l’économie, de la politique, du social et de la culture. Côté tunisien, il y avait des femmes porteuses de projets innovants, qui toutes ont amené un changement important dans la société, commela créatrice dela première institution de micro-crédit en Tunisie, Essma Ben Hamida.

Côté français, c’étaient des femmes reconnues pour leur expertise, comme Nathalie Loiseau (actuelle directrice de l’ENA) ou Florence Berthout et Brigitte Kuster (respectivement maires des 5ème et 17èmearrondissements de Paris). L’objectif était de créer des ponts et d’inscrire la Tunisie comme lieu d’accueil des femmes qui innovent et qui créent de la valeur.


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