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De quoi la stérilisation des chiens est-elle le symbole ?

Entreprendre - De quoi la stérilisation des chiens est-elle le symbole ?

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Par Emmanuel Jaffelin, philosophe, sage, auteur de l’Eloge de la Gentillesse (Pocket, 2016) et de Célébrations du Bonheur (Michel Lafon éditeur, 2021) et maître du chiot « Diogène ».

Notons une chose lorsque nous voyons un chien ou lorsque nous le caressons : il y a près d’une chance sur deux qu’il ait été stérilisé. A dire vrai, rien n’est original dans cette civilisation qui cherche à pratiquer chez les citoyens un contrôle de la démographie, voire qui souhaite la réduire. Les êtres humains ont ainsi à leur disposition une foule de bibelots (préservatifs externes ou condoms, préservatifs internes féminins ou gaines) et de techniques lui permettant d’empêcher le sperme de féconder un ovule. En revanche, il est impossible au chien d’enfiler une capote (même si le chien est anglais) et difficile pour son maître ou sa maîtresse de provoquer son érection pour ensuite lui appliquer ce bibelot. Même si la tâche est moins difficile, le fait de donner la pilule à une chienne pour qu’elle ne tombe pas enceinte est tout simplement im-pensable tellement la présence d’un(e) chien(ne) ne doit pas « bouffer le temps » de son maître et/ou de sa maîtresse.

Remarquons qu’aujourd’hui en France, près de la moitié des chien(ne)s est «stérilisée». Et les arguments fournis par un site pour en donner les motifs (et non les raisons car ce site raisonne moins qu’il ne fait résonner une idéologie castratrice) qui s’avèrent, pour le moins, discutables. Selon ce site, « la stérilisation de la chienne n’offre que des bénéfices pour sa santé et son bien-être. Il en est de même chez le mâle chez lequel on parle de « castration ». Mais le terme générique « stérilisation » est le plus souvent employé également pour lui.[…]

Lorsqu’il prétend faire halte aux « idées reçues » en étalant une phrase qui n’a ni queue ni tête mais qui révèle un sommet de stupidité se prenant pour un sommet d’intelligence, le rédacteur affirme : « Un chien, aussi bien un mâle qu’une femelle, qui n’est pas destiné à la reproduction n’a nullement besoin d’avoir des petits ou de faire une saillie au moins une fois dans sa vie ». Selon ce propos, soit un chien se retrouve dans un élevage et a un destin reproductif, soit il est chez un particulier au service duquel il doit être, comme l’esclave dans l’antiquité romaine ou un cyborg dans les décennies qui viennent. La personne qui écrit cette phrase considère le chiot comme un ob-jet dont la finalité varie selon le cadre humain dans lequel il vit ! C’est peu dire de l’utilitarisme primaire qui fonde ce propos dont l’auteur est sans hauteur tout en s’avèrant responsable d’un réductionnisme qu’il faudrait réduire, voire éliminer ! Le réductionnisme tient ainsi à cette idéologie visant à « réduire » l’animal – ici le chien – à un ob-jet utilisable. Dire, en parlant du chien, qu’il « n’est pas destiné à la reproduction », est à peu près aussi intelligent que de dire d’un stylo qu’il n’est pas fait pour écrire ou d’une voiture qu’elle n’est pas faite pour rouler ( ce qui commence à être le cas dans Paris) !

L’auteur(e) énumère ensuite les qualités qui résultent de la stérilisation du chien :

« Stérilisation du chien : halte aux idées reçues !

Un chien, aussi bien un mâle qu’une femelle, qui n’est pas destiné à la reproduction, n’a nullement besoin d’avoir des petits ou de faire une saillie au moins une fois dans sa vie. Cela fait partie des idées reçues qui ont la vie dure.

Il ne faut pas perdre à l’esprit qu’une portée demande beaucoup d’attention. Il faut aussi penser au devenir des chiots. Certaines races sont très prolifiques et une portée peut compter jusqu’à 10 chiots, parfois plus !

La stérilisation du chien n’offre que des bénéfices pour sa santé

La stérilisation n’offre que des bénéfices. Chez la femelle, la stérilisation permet d’éviter :

– Les périodes de chaleurs, deux fois par an.

– Les portées non désirées.

– Les lactations nerveuses.

– Les tumeurs mammaires.

– Infections utérines.

Chez le mâle, la stérilisation :

– Supprime les risques de tumeurs des testicules,

– Évite les problèmes liés à la prostate.

La stérilisation influe aussi sur le comportement du chien

La stérilisation offre aussi des avantages du point de vue du comportement. Elle permet au chien d’être plus équilibré. Elle évite voire supprime de nombreux comportements classiques et gênants :

– Les fugues. Un mâle peut sentir une femelle en chaleur des kilomètres à la ronde !

 -Les bagarres,

– L’agressivité avec les autres mâles.

– Les marquages urinaires du territoire[1] ».

Remarquons que ce discours rappelle celui que les nazis tenaient à propos d’un autre peuple : il s’agissait de le contrôler, de proclamer sa supposée vérité et, pire que de réduire sa reproduction, tenter son extermination !  Cette revue santé vétérinaire proclame un eugénisme affligeant, même si les chiens ne sont pas des êtres humains. Mais ils sont tellement proches et dépendants des hommes que leur appliquer cet eugénisme – qui débouchera sur le projet de « fabriquer » des chiens qui ne pisseront plus et qu’on pourra acheter dans une machine qui, aujourd’hui, livre boissons et bonbons et qui, demain, vendra chats et chiens-  cet eugénisme, disais-je, s’en prend, en réalité, moins aux chiens qu’aux êtres humains. Et bien sûr sans le dire, ni l’assumer, voire, peut-être, sans en avoir conscience, cette proclamation de la Stérilisation des chiens en dit beaucoup sur la stérilisation de notre civilisation ! En effet, ce projet de contrôle d’une population animale en dit long sur l’absence de conscience totale du fondement idéologique d’un tel projet.

Les supposés justificatifs de cette stérilisation sont d’une débilité telle qu’elle nous fait prendre conscience de cette volonté de puissance que cette médecine appliquée aux animaux affiche : la stérilisation du chien joue le confort du maître contre la naturalité naturelle de l’animal. Puisque le chien est certainement l’animal, avec le chat, le plus proche de l’être humain et puisque la médecine et la pharmacie cherchent à pratiquer cette maîtrise de la reproduction humaine, il apparaît logique à cette médecine animale de transférer aux chiens ce que la médecine humaine applique aux hommes. Le chien est un hom-me comme les autres, surtout parce qu’il vit « at home » !

J’avoue que cet article a été motivé par les centaines de réflexions que j’ai reçues à propos de mon chiot Diogène, réflexions qui se voulaient positives en me disant que le faire stériliser m’apporterait une plus grande tranquillité quotidienne. Visiblement, la bêtise se répand plus vite que l’urine de Diogène et sent beaucoup plus mauvais. Cette bêtise n’a d’ailleurs aucune idée claire et distincte de la notion de tranquillité. Disons que ce mot signifie « peinard » pour le sens commun, médecins et vétérinaires inclus, alors qu’il est, dans la philosophie stoïcienne, le fruit de la sagesse caractérisée par une âme imperturbable devant les événements qui se présentent à elle :la tranquillité n’est autre que l’aequanimitas[2] de l’âme. Ainsi, l’idéologie qui véhicule la nécessité de la stérilisation repose sur le consumérisme qui transforme le maître et la maîtresse du chien en cons-ommateurs. La médecine appliquée aux animaux a d’abord moins pour but de soigner les animaux que de les transformer en ob-jets de consommation. Nier leur essence naturelle- les chiens étant d’abord des êtres vivants appartenant à une espèce qui a pour finalité naturelle de se reproduire – revient à « réifier » le chien, c’est-à-dire à en faire un « chose », animée certes, mais point trop. Mon Diogène est un chiot hyper joueur, peu calme, mais qui me stimule plus qu’il me fatigue !

Je dirai aussi que la grande différence entre l’homme et le chien, vus par les médecines, repose moins sur leur essence que sur la radicalité de la stérilisation dont ils sont l’objet. En bref, les êtres humains masculins (les hommes), environ 23.000 en France en 2021, se sont fait stériliser sur le mode de la vasectomie. Chaque année, environ 18.000 femmes en France auraient recours à la stérilisation. Cette intervention irréversible, légale depuis 2001, permet aux femmes, qui ne veulent pas ou plus avoir d’enfant, de voir leur volonté réalisée par la ligature des trompes de Fallope afin d’empêcher l’ovule de passer de l’ovaire à la trompe dans laquelle il peut être fécondé par un spermatozoïde ; elles peuvent bénéficier d’autres techniques, telles que l’électro-coagulation, la pose d’un anneau ou d’un clip.

La stérilisation d’un chiot s’avère cependant plus radicale que celle d’un être humain : elle consiste à retirer une partie ou la totalité des organes reproducteurs. Pour un chiot mâle, cette opération implique l’ablation des testicules et, pour les femelles, celle des ovaires (voire de l’utérus). Disons que la stérilisation des canins vaut donc amputation : traiter l’animal ainsi revient à le tuer à petit feu (puisque sa démographie baissera).

En résumé, disons que la médecine humaine et la médecine animale sont deux pratiques « cyniques » qui servent une idéologie Con-sumériste avant la santé du patient (humain ou animal). Ces médecines sont autant le symbole du consumérisme et de l’utilitarisme que la manifestation d’une volonté de guérir, tellement « stériliser » ne guérit d’aucune douleur, d’aucun désir ni d’aucune maladie. « Cyniques » est à prendre ici au sens négatif du terme qui désigne une pratique immorale. Rappelons toutefois que le mot cynique vient du grec antique kunos qui désigne un « chien » ; il renvoie également, et positivement, à une école de la philosophie antique dont Diogène fut l’un des principaux représentants. Lecteur, garde cette formule : une société qui stérilise s’avère elle-même stérile. CQFD !


[1][1][1][1] – https://www.santevet.com/articles/pourquoi-et-a-quel-age-faire-steriliser-son-chien

[2] – Equanimité vient du latin Aequanimitas, composé à partir de aequus, qui signifie « égal » et animus ou anima qui désigne l’âme.


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