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Confinement : le gouvernement bafouille

Entreprendre - Confinement : le gouvernement bafouille

Par Jean-François Marchi

Tribune. Le énième confinement du pays a de quoi laisser rêveur. Nos huiles se sont creusé la cervelle pour inventer une mesure approximative dont l’objet final semble être d’interdire sans interdire. Parallèle étonnant de la politique intérieure avec la grammaire, l’inversion des significations renvoie à l’alternance empirique des syntaxes du jour dont les hardis novateurs ingénient progressivement l’instauration.

Ce qui est dit n’est pas dit, ce qui veut dire ne veut rien dire. Nous voilà prisonniers en liberté, vivant tels Jonas dans la carcasse d’une baleine nommée jadis la France, pauvre animal reconnu sous tant d’alias dont le dernier se nomme la République.

Une baleine? Amédée plutôt, comme la pièce éponyme d’Eugène Ionesco  nous le suggère au moment précis où le cadavre volatil s’éclipse par la fenêtre dans un mouvement ascendant qui fait dire à sa veuve: « Tu montes Amédée, mais tu ne grimpes pas dans mon estime ». C’est pourquoi j’ai emprunté le titre de cet article à celui d’un des chapitres de l’extraordinaire roman de Maurice Barrès : Leurs Figures.

Les protagonistes de ce drame sont évidemment nos maîtres, trop occupés par les tâches ordinaires de nettoyage de leurs bureaux avant la fuite qui nous imposent ce fatigant stop and go, comme on dit dans les affaires.

Le bafouillement ou bafouillage indique évidemment la répétition. Depuis que Jean Le Bon perdit le 19 septembre 1356 la France à la bataille de Poitiers, on n’avait pas vu une telle raclée hormis peut-être l’arrestation de Louis XVI à Varennes. J’excepte les défaites militaires qui sont aussi nombreuses que les victoires, Austerlitz  et Wagram égalant largement Waterloo et Trafalgar, n’en déplaise aux gesticulations tounebouliques de certains.

Le grand pays va mal certes, mais que dire des petits, ces provinces conquises depuis mille ans qui forment sa trame mais aussi sa parure. Comment obliger à l’usage de la langue française selon l’ordonnance de Villers-Cotterêts (François Ier, 1539), des peuples qu’on a privés de la leur, quand on démembre méthodiquement ce qui en faisait la mire, je veux dire les Belles Lettres. La Haute-Culture, pour parler comme les couturiers et les coiffeurs, c’était bien ce qui pouvait justifier la domination du roi sur ses sujets, en résumé, la France sur ses pays soumis et arraisonnés par la violence. Sans Molière, Racine et Balzac, il n’est point de sceptre qui vaille. De même que sans Shakespeare, l’Angleterre se fut fait depuis longtemps submerger par l’Ecosse, le Pays de Galles et l’Irlande ratachiste. On n’obéit qu’à ceux que l’on admire. Il serait trop pompeux de rappeler à qui de droit que la Roche Tarpéienne est proche du Capitole: notons simplement avec la délicatesse qui veut que l’on proportionne les compliments à ceux qui les reçoivent que le vestibule n’est pas si loin de la porte de sortie.

Voyant briller, comme le susurrait Louis Jouvet dans le film Entrée des Artistes, « un éclair d’inintelligence » dans le regard tapi derrière un masque de qui nous parle tous les soirs, j’en ai rapidement conclu qu’à l’instar de ce qui se passait à l’époque de mon service militaire, obéir est une tâche difficile si elle ne s’accompagne pas d’une grande considération à l’égard de celui qui ordonne.

Peut-être demain lira-t-on les classiques français en anglais pour leur conserver leur noblesse au vu des propositions érostratiques  de modification de leur écriture qui sont suggérées avec insistance par une pègre savante.

Qui n’a pas vu Vincent Price interprétant Jules César de Shakespeare laisser tomber ce vers fatidique et si révélateur : « L’ordure ne peut goûter que l’ordure »? Tout y est dit.

Alors tous aux vaccins, et plus vite que ça, en priant qu’il y en ait pour tout le monde et que ce soient les bons.

En 1848, le roi Louis Philippe qui fut plutôt un bon roi, fut chassé par une révolte populaire qui l’amena à prendre le bateau à Boulogne pour gagner l’Angleterre en tant que fugitif, affublé de l’identité factice d’un certain Monsieur Smith. C’était parfaitement injustifié, et le mot révolution a été utilisé à tort pour rendre présentable un mouvement populaire erroné et mal intentionné. Le seul effet  profitable des événements de 1848 a été de propulser Louis Napoléon Bonaparte à la présidence de la Seconde République, ce qui lui permit par la suite de rétablir l’Empire. Louis Philippe avait fait revenir les cendres de Napoléon 1er pour les installer aux Invalides; il permit que cessent les invasions barbaresques sur les côtes françaises, Corse comprise, et stoppa définitivement le trafic des esclaves qui en résultait. Décrier ce qui fut bon dans le passé va de pair avec la destruction des valeurs qui ont fait grande une histoire que l’on veut désormais abolir , au motif d’un humanitarisme dévoyé. Il est de mode de dire ici et là qu’il convient de « casser » les codes.

Tout au contraire je propose d’honorer ce mot en hommage à celui qui est mort le 5 mai 1821, en lui donnant son nom tel qu’il fut baptisé le 2 décembre 1804 : le Code Civil  ou « Code Napoléon ».

Jean-François Marchi


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