La belle affaire : et voilà pourtant que tous les commentateurs politiques ou médiatiques lui tombent dessus. Sont-ils à ce point tenus ou satisfaits de cette vassalisation implicite de l’Europe aux intérêts américains ?
Les propos du président Macron en appelant, dans son avion de retour de Chine, à ce que « l’Europe retrouve son autonomie stratégique » n’ont pas fini de faire jaser et de déclencher un tohu-bohu dans les chancelleries. Et pourtant, ils sont plein de bon sens car qui peut en vouloir au président de la République française de s’attacher à protéger notre souveraineté de décision y compris vis-à-vis de nos alliés américains ?
N’est-ce pas l’intérêt même d’un couple ou d’une alliance que de vouloir que chaque partenaire puisse se dire librement les choses en face ? Surtout quand c’est l’enchaînement des événements et des alliances qui semblent primer, comme on le voit actuellement dans la guerre russe d’Ukraine.
Depuis des mois, nos médias et nos politiques s’abreuvent de discours guerriers, toujours plus bellicistes les uns que les autres. Oubliant sans vergogne les centaines de milliers de morts déjà enregistrés sur le théâtre militaire, mettant à bas l’économie européenne, jetant allègrement la Russie dans les bras de la Chine, accentuant la dépendance économique vis-à vis-des intérêts américains. Et l’on voudrait que le président reste muet.
Sans parler de la forme (il aurait certes pu attendre de revenir en France pour s’exprimer), Macron à parfaitement raison de vouloir chercher un chemin de crête entre l’affrontement des blocs qui s’esquisse et qui, avec l’affaire taïwanaise, commence à prendre des proportions assez effrayantes. Et Macronde préciser que « la pire des choses serait de penser que, nous Européens, devrions être suivistes sur cette crise et nous adapter au rythme américain et à une suréaction chinoise ». Complétant ses propos selon lesquels l’Europe courait le risque de se retrouver « prise dans des risques qui ne sont pas les nôtres ».
Au-delà de ces polémiques plus essentielles qu’on ne le croit si on veut pouvoir sortir de cet logique fatale d’affrontement de par le monde, ajoutons sans risque que si ce n’est pas la France qui le fait, qui peut dire au monde que cette course à l’escalade militaire est plus que funeste ? Qui peut le dire si ce n’est la France, grand pays qui doit parler à tout le monde ? N’avons-nous pas été le premier pays occidental à reconnaître la Chine il y a déjà six décennies ?
Et peu importe que Madame Ursula von der Leyen qui accompagnait le président lors de sa visite à Xi Jinping, lui ait savamment savonné la planche. Lorsque la présidente de la Commission européenne dressa un authentique réquisitoire à l’encontre des Chinois, un mois avant la visite officielle à Pékin, le 30 mars dernier, on ne peut pas dire qu’elle ne savait pas très exactement ce qu’elle faisait. Un acte d’allégeance aux intérêts américains et à Joe Biden qui pourrait être récompensé prochainement par une nomination prochaine à la tête de l’OTAN, en 2024. Un organisme qui prend de plus en plus d’importance, et dans lequel, bizarrement, on vient de faire rentrer deux nouveaux pays, la Suède et la Finlande, sans que cela n’ait donné lieu au moindre débat dans nos pays dit démocratiques. Nous vivons décidément dans un monde de plus en plus étrange. Un monde où plus on parle, moins on évoque l’essentiel.
Robert Lafont