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Alexandre del Valle : « Nos dirigeants cèdent devant les Frères Mususlmans »

Entreprendre - Alexandre del Valle : « Nos dirigeants cèdent devant les Frères Mususlmans »

Il est sans conteste l’un de nos meilleurs experts en géopolitique et l’un des grands spécialistes de l’islamisme, du terrorisme, du monde arabo-musulman et des relations entre l’Europe et la Turquie. Dans ce passionnant entretien, Alexandre del Valle nous livre ses réflexions sur les menaces islamistes qui pèsent sur notre pays.

Alors qu’il est considéré comme un homme de droite, ce dont il ne se cache nullement, Alexandre del Valle estime qu’Emmanuel Macron est le premier Président français qui ose réellement affronter ceux qui veulent diviser la nation avec des discours islamistes et des attentats sanguinaires, comme ceux récemment commis à Conflans Sainte-Honorine ou Nice. Une interview où cet ancien membre des services de renseignements ne mâche pas ses mots.

Alexandre del Valle,  est-ce qu’à votre avis, la France est en train de perdre la guerre contre l’islamisme politique ?

Alexandre del Valle :
Je ne crois pas, car rien n’est jamais joué sur ce sujet. Comme le disait l’un de mes maîtres, le général Gallois, « le désespoir est le début de la collaboration ». Ce qui est évident, c’est que la France a perdu beaucoup de temps pour lutter contre cet ennemi islamiste en dépit des nombreuses alertes et informations de nos services secrets depuis 30 ans. Tous les gouvernements n’ont pas pris les mesures qu’il fallait, que ce soit les régimes de gauche ou de droite.

On n’a pas expulsé les prédicateurs extrémistes dans les mosquées, on a mis fin aux renvois des musulmans suspectés de complaisance avec l’islamisme politique et même Nicolas Sarkozy que j’avais pourtant fortement soutenu en 2007 a capitulé en favorisant la création du Conseil Français du Culte Musulman (le CFCM). Et alors que je ne suis pas du tout macroniste, force est de constater que le Président Macron est le premier dirigeant à véritablement affronter l’islamisme politique. Il a été très remonté par les insultes à son égard du Président de la Turquie, Recep Erdogan, ou par les critiques de la chaîne de télévision AlJazeera.

Lors d’une récente audition au Sénat sur la sécurité et le terrorisme où j’avais été convié, même une sénatrice Les Républicains, Jacqueline Eustache-Brinio, a jugé positive l’action d’Emmanuel Macron et son projet de loi sur les séparatismes en me disant que « pour les islamistes, c’est le début de la fin… »


Qu’est-ce qui pourrait permettre de combattre efficacement le terrorisme islamiste en France ?

Je pense qu’il ne suffit pas d’avoir des moyens humains et techniques, car la France parvient à déjouer de nombreux attentats chaque année. Mais on ne pourra jamais empêcher un homme seul de commettre des crimes au nom de l’islam comme ce fut le cas dernièrement dans l’église de Nice ou l’assassinat de Samuel Paty. Il faut lutter contre l’idéologie islamiste véhiculée par les Frères Musulmans ou le Président turc Recep Erdogan qui bourre le crâne des jeunes musulmans ou des gens faibles avec ce que j’appelle la stratégie de la paranoïasisation.

En résumé, ceux qui osent émettre la moindre critique sur l’islamisme politique sont des méchants islamophobes ! Il faut assécher ce discours nauséabond et aussi empêcher l’importation en France du conflit israélo-palestinien qui entraîne la haine des Juifs et la violence. Et enfin, l’État doit aider et soutenir ceux qui prônent un islam éclairé pour contrer les propos archaïques et dangereux, je pense en particulier à un homme tolérant et remarquable comme l’imam de Drancy, Hassen Chalghoumi.

En Europe, il n’y a qu’un pays qui a vraiment favorisé l’émergence d’un islam modéré et respectueux des lois, c’est l’Autriche. Qu’on apprécie ou pas les leaders considérés comme populistes au pouvoir à Vienne, ils n’ont pas hésité à expulser dès 2013 tous les imams et les prédicateurs intégristes.

Peut-on dire que l’immigration et le terrorisme islamiste sont liés ?

Oui, même s’il faut être raisonnable : c’est faux de dire que tous les immigrés musulmans sont de futurs terroristes. Tout comme il ne faut pas montrer du doigt nos compatriotes musulmans qui respectent dans la majorité les règles et les lois de la République. Mais ne tombons pas non plus dans ce que Bernard-Henri Lévy appelle le « rien à voirisme » ! On sait que des migrants musulmans sont vecteurs de terrorisme et on ne peut pas clamer que ce terrorisme vient de nulle part.

Il provient aussi d’une partie de l’immigration qui représente un phénomène mondial. Il est donc urgent de contrôler avec plus de rigueur les flux migratoires. Par contre, je ne partage pas du tout l’opinion de Renaud Camus sur la théorie du grand remplacement : la France n’est pas menacée de disparition par les vagues d’immigration musulmane et notre pays ne deviendra pas une République islamique…

Estimez-vous qu’une partie de la classe politique française se compromet avec l’islamisme politique ?

Absolument et cela ne date pas d’hier. Dans les années 1980, François Mitterrand avait cédé pour 1 euro symbolique une université dans son fief de Château-Chinon, au profit de sympathisants des Frères Musulmans ! En ce qui me concerne, j’ai quitté le navire de l’UMP  alors que j’étais un grand partisan de Nicolas Sarkozy quand j’ai compris qu’il se compromettait avec les Frères Musulmans à travers le CFCM. Je me souviens d’une discussion avec lui et Frédéric Lefebvre, l’un des proches conseillers d’alors, où on me reprochait de me tromper totalement sur les Frères Musulmans. Hélas, les faits m’ont donné raison.

Même Jean-Pierre Chevènement a cédé devant eux. Et aujourd’hui, la France Insoumise de Jean Luc Mélenchon, le NPA d’Olivier Besancenot, certains dirigeants d’Europe Écologie Les Verts ou une mouvance du PS, comme celle incarnée par Benoît Hamon, courtisent activement les musulmans, y compris ceux proches des Frères Musulmans, par crainte d’être taxés d’islamophobie et aussi pour récolter le vote musulman. François Hollande a gagné en 2012 grâce à cette stratégie.

Mélenchon mise sur ça pour créer la surprise en 2022, comme Joe Biden l’a emporté aux USA en gagnant les voix des immigrés africains musulmans.  Mais à droite, ce n’est pas mieux. Un grand élu de l’UMP m’a avoué : « Pour gagner les élections locales dans nos cités, il faut aujourd’hui négocier avec des associations proches des Frères Musulmans… »  Et n’oublions pas que Valérie Pécresse avait inauguré la mosquée de Pantin, qui a été accusée d’avoir relayé les messages contre Samuel Paty. Il y a heureusement des personnalités comme Julien Dray, Malek Boutih, Manuel Valls ou Éric Ciotti qui ne font preuve d’aucune naïveté face à ce fléau qu’est l’islamisme politique.

Quels sont les principaux pays qui soutiennent et financent l’islamisme politique en France ?

Il s’agit principalement de l’Arabie Saoudite, du Qatar, du Pakistan, du Maroc, de l’Algérie et de la Turquie. Ce pays a même réussi à imposer un très proche des Frères Musulmans à la vice-présidence du Conseil Français du Culte Musulman en la personne d’Ahmet Ogras, un militant franco-turc qui n’a jamais nié sa proximité avec le Président Erdogan.

Même la Tunisie joue désormais un rôle dans cette expansion de l’islamisme politique. Le pays de Bourguiba est devenu un État perdu dans sa lutte contre les islamistes depuis le Printemps arabe de 2011. C’est un islamiste qui a été élu Président de la République à Tunis et le parti Ennahda, qui a remporté des élections législatives, est un mouvement islamiste.

Est-ce que les islamistes sont en train de noyauter l’appareil d’État en France ?

Rappelezvous de l’attentat commis par un fonctionnaire islamiste à la préfecture de police de Paris en octobre 2019, au sein d’un service lié aux renseignements : cela prouve que c’est une réalité. Dans les années 1990, un rapport avait montré que des gardiens de prisons de confession musulmane avaient effectué des voyages au Pakistan durant plusieurs semaines pendant leurs congés et qu’il s’agissait de véritable stages d’islamisation. Aujourd’hui, ce danger est présent dans plusieurs secteurs : les prisons, les agences de sécurité, la RAPT, la grande distribution, les aéroports, les gardiens de la paix ou l’enseignement, particulièrement au CNRS et dans plusieurs écoles de commerces avec la présence de sympathisants des Frères Musulmans.

Sans oublier les clubs de sports, certaines municipalités avec des élus locaux proches des islamistes ou les associations régies par la loi de 1901. Mais je note positivement que l’État surveille de plus en plus étroitement les subventions et les comptes des associations douteuses avec Tracfin, l’organisme en charge de la lutte contre la fraude fiscale, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

Pensez-vous qu’il existe en France une génération de « jeunes perdus » issus de l’immigration et qui ont été captés par les islamistes ?

Hélas oui, c’est une génération sacrifiée, ceux qui ont aujourd’hui entre 15 et 30 ans. Je ne parle pas de tous les jeunes évidemment, mais il y en a beaucoup qui ont une double allégeance : à la France parce qu’ils y sont nés et qu’ils y ont grandi, mais aussi à l’islam et à Allah. Et il faudra 20 ans pour réparer les dégâts si on n’agit pas. Les antidotes se trouvent dans des mosquées avec des imams modérés et dans l’éducation nationale, en donnant tous les moyens qu’il faut à cette jeunesse issue de l’immigration et souvent défavorisée afin de s’élever et ne pas être soumise aux thèses islamistes.

On réussira si il y a une vraie volonté en n’hésitant pas à expulser les extrémistes. Ces gens que j’appelle les « coupeurs de gorges » sont aussi dangereux que « les coupeurs de têtes ». Ils veulent instaurer un califat mondial et ne désirent qu’une chose : nous empêcher de parler si on émet la moindre critique ou le moindre commentaire sur l’islamisme politique. Leur but est simple : séparer les musulmans des non musulmans. Et je le répète : tous nos dirigeants, de Mitterrand à Hollande, et c’est valable pour tous les autres pays occidentaux, ont commis une très grave erreur en négociant avec les Frères Musulmans, croyant qu’ils étaient capables de calmer les desseins meurtriers des djihadistes d’AlQaïda ou de Daech. Or, leur ambition est la même : islamiser la planète.

Ce problème qui inquiète une grande majorité de Français ?

Je crois que nous allons devenir un pays de plus en plus communautarisé où les gens ne vivront plus côte à côte, mais face à face. Comme dans certains États des Balkans, je pense à la Macédoine. Ou encore au Liban et en Israël. Car une partie de la population ne se sent plus Français et il y a de véritables disparités et des différences, ne serait-ce que dans un quartier. Si vous allez par exemple place de Clichy à Paris, il y a un secteur très bourgeois-bobo et 100 mètres plus loin à peine, on ne trouve que des commerces hallals  ou des kebabs.

Cela ne se passe pas forcément mal d’ailleurs, mais cela prend l’apparence d’un conflit larvé de fiertés identitaires et politiques. Je pense enfin que notre société sera de plus en plus sécurisée avec des contrôles électroniques de plus en plus présents et des agents très bien formés et aguerris, chargés de la surveillance des lieux publics et du repérage de possibles terroristes. Un peu à l’image d’Israël qui parvient à maintenir la stabilité de son corps social et la démocratie tout en menant une politique sécuritaire efficace et réputée. Et pour s’en sortir, la République doit également favoriser un véritable patriotisme intégrateur pour que chacun se sente fier d’être Français !

Propos recueillis par René Chiche


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