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Affaire Quatennens : l’interdiction de la gifle est-elle le symptôme de notre décadence ?

Adrien Quatennens (Berzane Nasser/ABACA)

par Emmanuel Jaffelin, agrégé de philosophie, auteur d’une Apologie de la Punition (Plon, 2013) et des Célébrations du Bonheur (Michel Laffon éditions, 2022).

Tribune libre. La France s’en prend à un rouquin (Adrien Quatennens) qui soufflette sa femme (Céline). Sache, lect-rice/eur, que l’histoire de France est ponctuée de gifles1

C’est ainsi qu’en 1692, la Princesse Palatine assène une baffe aller-retour à son fils de 17 ans, Philippe d’Orléans, devant la cour de Versailles tout aussi stupéfaite que le Roi et les téléspectateurs du XXIesiècle qui assistent au journal TV. où l’on aborde le cas Quatennens ! Cette princesse est en colère contre le bricolage matrimonial du roi de France qui essaye de marier ce Philippe à Mademoiselle de Blois, la fille « bâtarde » que le roi eut avec Madame de Montespan. Or, Platon écrivait 23 siècles auparavant que la colère (Thumos ou orgè en grec ancien) est une manifestation de la raison. Donc on ne gifle pas lorsqu’on sait avoir tort!

Dans ses Lois, Platon, à propos du gifleur, déclare ainsi :

« Il mérite au contraire toute notre pitié [eleeinos] l’homme qui commet l’injustice et qui est en proie au mal. Il est permis d’avoir pitié de celui dont le mal est guérissable, en retenant nos mouvements d’agressivité [aneirgonta ton thumon] et de ne pas toujours être amer à son égard en ayant des accès de bile comme une femme. En revanche, il faut déchaîner sa colère [ephienai tên orgên] à l’égard de celui qui est méchant et dont la vie est désordonnée, sans contrôle et sans espoir d’amendement. Voilà pourquoi nous déclarons qu’il convient que l’homme de bien soit irascible [thumoeidê] ou doux [prâion] selon les occasions2 ».

Donc Platon nous invite d’abord à éprouver de la pitié pour celui qui gifle parce qu’il ne maîtrise pas ses passions ; mais il reconnaît ensuite que la colère est un devoir (« il faut déchaîner sa colère ») lorsqu’il s’agit de calmer un méchant ou un désordre. Ne connaissant rien du motif de la gifle d’Adrien envers Céline, j’ignore s’il a manqué de maîtrise de ses passions ou s’il voulait mettre fin à un désordre dans leur vie de couple. Une chose est sûre : en ne voulant pas nuire à son futur ex mari en ébruitant ce micro-événement, Céline fait preuve d’une intelligence et d’une sagesse qui sont inconnues des médias 3!

Au XXIe siècle, et sous la Présidence de Emmanuel Macron, une loi a été produite pour interdire la gifle aux parents (et à tous les autres, enseignants, proches, etc).

LOI n° 2019-721 du 10 juillet 2019 relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires :

Article 1
Après le deuxième alinéa de l’article 371-1 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques. »

Article 2
Au deuxième alinéa de l’article L. 421-14 du code de l’action sociale et des familles, après le mot : « secourisme », sont insérés les mots : «, à la prévention des violences éducatives ordinaires ».

Article 3
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er septembre 2019, un rapport présentant un état des lieux des violences éducatives en France et évaluant les besoins et moyens nécessaires au renforcement de la politique de sensibilisation, d’accompagnement et de soutien à la parentalité à destination des parents ainsi que de formation des professionnels concernés.
La présente loi sera exécutée comme loi de l’Etat.

Après la gifle sur l’enfant apparaît la polémique de la gifle chez l’adulte : Affaire Quatennens (Adrien). Relevons ce détail de l’article 1 : en écrivant que « L’’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques », cette loi considère d’une part que la famille doit se soumettre au droit et à l’État, d’autre part accepter qu’elle n’a plus d’autorité et que tout acte physique peut être interprété comme violent (un gifle comme un coup, une caresse, implicitement, comme un viol). Fin du corps à corps entre parents et enfants et vive les éprouvettes !

Il va de soi qu’en laissant l’enfant être éduqué, non dans la douceur, mais dans la mollesse, il perdra le sens de l’autorité et pourra se sentir autoriser à faire les pires choses. Breivik, éduqué sans gifle ni fessée, assassinat à l’automne 2008, 78 personnes sur l’île norvégienne d’Utøya ! Be cool and never slap !

Bref : l’article 3 montre que ce droit confond l’amour et la viol-ence. Bientôt l’acte d’amour sera identifié au viol si nous continuons de suivre cette idéologie américaine de la victimité !

Après l’interdiction de la gifle « donnée » à un enfant, c’est l’adulte qui doit désormais ne pas être giflé, notamment l’adulte féminin, voire féministe, ce que montre l’affaire Quatennens Adrien- député « insoumis » qui semble réactiver une pratique (jugée) pré-historique ou médiévale lorsqu’il gifla son épouse, député qui se voit condamné moralement, non par l’opinion publique, mais par la partie féministe de celle-ci !

L’insoumis est-il un être violent ? Il est difficile de répondre à cette question tant le droit pourrit notre société en cherchant à s’impliquer à tout et, surtout, en qualifiant chaque geste intempestif de viol-ence! Cet excès juridique qualifie d’excessif (et donc d’infractions, voire de délits) des gestes humains très humains ! La paranoïa devient ainsi le cadre dans lequel notre société veut nous faire vivre ! La réaction de Jean-Luc Mélenchon, le président de ce parti politique – l’insoumission – est hostile à cette paranoïa sociétale lorsqu’il déclare par un tweet : «  la malveillance policière, le voyeurisme médiatique, les réseaux sociaux se sont invités dans le divorce conflictuel d’Adrien et de Céline Quatennens ». Il va de soi que cette condamnation morale de la gifle par un adulte sur un adulte fait réagir , non seulement JL Mélenchon, mais aussi tous ceux (épouse d’Adrien incluse) qui considèrent que l’État et le droit se mêle de tout ce qui ne doit pas le regarder.

Notons alors qu’en voulant étendre l’interdiction de la gifle (du parent sur l’enfant) à celle du mari sur l’épouse, notre société veut réduire la femme au statut d’enfant !

Ainsi, lorsque Simone de Beauvoir écrivait « On ne naît pas femme, on le devient », elle ne signifiait nullement que la femme voulait redevenir une enfant !

Evitons donc de suivre le modèle américain qui, par le biais de la mise en évidence de la victimité, souhaite valoriser la femme en l’infantilisant !

1– https://www.lepoint.fr/medias/retour-sur-quelques-gifles-celebres-21-04-2016-2033830_260.php

2– Platon, Les Lois, (trad. J.-F. Pradeau et L. Brisson) V, 731c 7-d 5.

3– Notamment ceux qui ont cherché à monter ce micro-fait en fait brûlant de l’actu !


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