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Vaux-le-Vicomte, entre histoire et entreprenariat

Bien que propriétaires du domaine ultra prestigieux de Vaux-le-Vicomte, les frères Vogüé ne mènent pas la vie de château... mais celle d’entrepreneurs, avec une responsabilité supplémentaire : faire rayonner un trésor national à l’international.

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Bien que propriétaires du domaine ultra prestigieux de Vaux-le-Vicomte, les frères Vogüé ne mènent pas la vie de château… mais celle d’entrepreneurs, avec une responsabilité supplémentaire : faire rayonner un trésor national à l’international.

«Nous sommes dépositaires responsables, plus que propriétaires et encore moins châtelains et sa connotation “veste en tweed, chasseur, rallye mondains”, dont nous nous sentons tous très éloignés», souligne Alexandre Vogüé.

Lui et son jumeau Jean-Charles ont succédé à leur père Patrice à la tête du domaine de Vaux-le-Vicomte, en Seine-et-Marne, rejoints en 2015 par leur frère Ascanio.

«Certains membres de la famille vivent dans les communs du château et sont donc châtelains. Mais nous nous considérons davantage comme des entrepreneurs ayant pour responsabilité de partager le domaine avec les visiteurs d’aujourd’hui et de le transmettre aux générations futures». Et quelle responsabilité puisque l’architecte Louis Le Vau, le jardinier André Le Nôtre et le peintre Charles Le Brun ont créé le domaine !

L’audace d’un visionnaire perpétué

En 1875, Alfred Sommier, industriel et amateur d’art, acquiert le domaine aux enchères, alors en ruine, et «ressuscite» Vaux-le-Vicomte, demeure de Nicolas Fouquet (1615-1680), homme politique et grand mécène qui choisit trois des plus grands artistes du Grand Siècle pour bâtir ce chef-d’œuvre du XVIIème siècle.

Son fils, Edme Sommier, lui emboîte le pas. En 1968, Patrice de Vogüé, petit-neveu d’Edme, ouvre les portes du domaine au public afin de financer les lourds travaux d’entretien.

Aujourd’hui, les trois frères, incarnent la 5ème génération chargée du domaine. Pour eux, Vaux-le-Vicomte est «un devoir familial mais surtout un devoir de citoyen : la préservation du patrimoine français.

C’est un héritage que nous considérons comme un formidable privilège : avoir la responsabilité d’un morceau de l’histoire de France, d’un lieu emblématique de l’art français est évidemment aussi une lourde responsabilité.

Nous en sommes conscients depuis notre plus jeune âge où, durant toutes ces années auprès de notre père, nous avons intégré le sens du devoir face à l’histoire. Respecter les lieux, l’intégrité d’une collection, s’obliger à un rythme de travaux de maintenance et de restauration récurrent… font partie des missions incontournables de celles et ceux qui ont la charge d’un patrimoine», indique Alexandre Vogüé.

Ce diplômé de l’ISG qui côtoie les sommets en devenant guide de haute montagne pendant 15 ans nourrit pour Vaux-le-Vicomte d’ambitieux projets, tout comme ses frères Jean-Charles, titulaire d’un BTS agricole et ancien cadre commercial chez Nike, et Ascanio, ex-directeur d’une entreprise spécialiste de l’événementiel.

Le domaine, la plus importante propriété privée de France classée au titre des monuments historiques, accueille environ 300.000 visiteurs par an. «C’est l’un des châteaux préférés des visiteurs, grâce notamment à son atmosphère familiale, au riche ameublement qui décore les pièces du château, à l’extraordinaire harmonie entre le jardin et le château… et à l’accueil privilégié réservé à chaque visiteur. Nous insistons beaucoup sur la qualité de cet accueil, le sourire, la prévenance afin que les visiteurs soient reçus comme des membres de la famille. Cela rend leur visite mémorable. À Vaux-le-Vicomte, nous tâchons de nous éloigner de l’offre “tourisme de masse” qui prévaut trop souvent dans d’autres châteaux tout aussi prestigieux», insiste Alexandre.

Un budget de 8 millions par an

Pour entretenir le domaine (500 hectares de terres, 33 hectares de jardins à la française, 2,5 de toiture, 2 étages de pièces en enfilade…), le budget s’élève à 8 M€ par an, les subventions reçues représentant seulement 2%.

Les trois frères ont donc multiplié les initiatives : les visites aux chandelles chaque samedi soir de mai à octobre, les Foulées de Vaux-le-Vicomte pour les fans de cross, la journée Grand Siècle qui réunit 4.000 passionnés en costume, la chasse aux œufs de Pâques, la fête du chocolat en novembre, Noël au château…

Le domaine accueille également mariages, on se souvient de celui du basketteur Tony Parker avec Eva Longoria, dîners, séminaires, expositions… et même les tournages de films (Moonraker avec Roger Moore, L’Homme au masque de fer avec Leonardo DiCaprio…). De quoi animer les 300 jours par an d’ouverture du château !

«Le domaine doit être géré comme une entreprise, avec des dimensions familiale, patrimoniale et historique fortes. Comme dans n’importe quelle entreprise, notre ambition est de pouvoir créer de la valeur suffisante pour assurer nos missions principales». Pour autant, le domaine n’est pas tout à fait une entreprise privée comme les autres. «La différence ? Un certain attachement du personnel à ce lieu, à la famille, un engagement fort. Le fait que l’entreprise ne soit pas dans une dynamique de maximisation des profits contribue également à cette atmosphère particulière», indique Alexandre.

Malgré les belles idées des frères Vogüé pour continuer l’œuvre de leur père, équilibrer les comptes est un casse-tête permanent. «Le CA consolidé est de 8 M€, dont 46% de charges de personnel, contrairement aux monuments publics pour qui la masse salariale n’est pas comptabilisée dans le budget, une différence énorme. Pourtant, Vaux-le-Vicomte consacre tous ses bénéfices aux travaux d’exploitation et de restauration du domaine.

En soi, nous manquons, en effet, de bénéfices pour effectuer la totalité des travaux que le domaine exige. Cependant, le résultat net d’exploitation est positif, et permet déjà de prendre en charge une partie des restaurations urgentes nécessaires». Cette année, deux grands projets de restauration ont été entrepris : la restauration des 64 statues du jardin, créées par Michel Anguier, Mathieu Lespagnandelle, Philippe de Buyster… et du Cabinet des jeux.

«Salle préférée des visiteurs, ce petit cabinet richement décoré et doré a subi les affres dues aux intempéries, aux changements de température… une pièce plus affectée que les autres salons par sa situation d’angle. La restauration, qui a commencé le 22 juin, est réalisée par l’atelier d’Ariel Bertrand. Les visiteurs peuvent d’ailleurs suivre ces restaurations et même poser leurs questions directement aux restaurateurs, puisque les travaux sont visibles par le public !», indique Alexandre Vogüé.

De belles ambitions

Pour atteindre leur objectif d’accueillir 400.000 visiteurs par an d’ici 2020, les frères Vogüé mettent les petits plats dans les grands, avec cette année la célébration des 400 ans de la naissance de Nicolas Fouquet à travers une série de restaurations et d’événements marquants.

«Notre principale stratégie pour Vaux-le-Vicomte est avant tout de le rendre vivant, de faire vivre aux visiteurs une expérience unique. Ancré dans le passé, le château doit être toujours tourné vers l’avenir, et garder un esprit créateur et créatif… à l’image de Nicolas Fouquet !», insiste Alexandre, qui compte bien développer le nombre de visiteurs étrangers. «Nous avons augmenté notre budget communication pour accroître notre visibilité en France et à l’international, notamment aux États-Unis via une campagne de presse annuelle».

Situé à seulement 60 km de Paris, le domaine attire encore trop peu de Franciliens. Des solutions de transport entre Paris et le château voient donc le jour, avec la «mise en place d’une nouvelle navette directe depuis Paris dès 2016, en plus de celle qui relie déjà Paris-Vaux-le-Vicomte – Fontainebleau-Paris», se réjouit Alexandre Vogüé qui mise aussi sur l’offre «grand luxe auprès de réseaux rassemblant une clientèle très exigeante à la recherche d’une expérience d’art de vivre à la française dans la plus belle demeure privée de France».

Enfin, grâce à l’ouverture des années Fouquet, Vaux-le-Vicomte compte bien renforcer sa crédibilité scientifique en tant qu’institution muséale. «Des travaux portant sur la collection de Nicolas Fouquet, les décors du château, le jardin… sont ainsi menés en collaboration avec des universités françaises et étrangères grâce notamment au fonds d’archives Fouquet conservé au château», se réjouit l’entrepreneur. Et avec une programmation culturelle de qualité et d’une durée longue, nul doute que les frères Vogüé feront (re)découvrir ce lieu exceptionnel.


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