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Que doit faire Emmanuel Macron pour redresser l’économie ?

Le nouveau président de la République a du pain sur la planche : redorer le blason de l'économie française en rendant les entreprises plus compétitives, en réduisant la fiscalité, en réformant le Code du travail… Nos questions à Christian Saint-Étienne, économiste et analyste, Jean-Baptiste Danet, président de Croissance Plus, Bruno Bonnell, fondateur de Ropopolis l'éditeur de jeux vidéo Infogrames et Frédéric Bédin, président du directoire de Hopscotch Groupe  

Entreprendre - Que doit faire Emmanuel Macron pour redresser l’économie ?

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Le nouveau président de la République a du pain sur la planche : redorer le blason de l’économie française en rendant les entreprises plus compétitives, en réduisant la fiscalité, en réformant le Code du travail… Nos questions à Christian Saint-Étienne, économiste et analyste, Jean-Baptiste Danet, président de Croissance Plus, Bruno Bonnell, fondateur de Ropopolis l’éditeur de jeux vidéo Infogrames et Frédéric Bédin, président du directoire de Hopscotch Groupe
 

Que pensez-vous du programme économique de notre nouveau président ?

Christian Saint-Étienne :

Sa volonté de réformer le marché du travail et de réduire la fiscalité du capital et le taux d’IS va dans la bonne direction. Mais son programme sur le rétablissement des finances publiques, avec des annonces non justifiées par des mesures crédibles, est inquiétant.

Frédéric Bédin :

Certains diront que ce n’est pas assez, mais s’il fait ce qu’il a dit, la France va de nouveau se mettre en mouvement. Ensuite, ce sera le rôle de la société civile d’aller plus loin. La nomination de Bruno Le Maire au poste de ministre de l’économie est rassurante pour les entreprises et pour nos voisins allemands à qui on va devoir demander beaucoup, donc donner des preuves de bonne volonté.

Jean-Baptiste Danet 

: Son programme a révélé quelques mesures symboliques sur les contrats de travail et la fiscalité. Mais il faut aller plus loin, notamment revisiter le projet du compte pénibilité.

Bruno Bonnell :

Je l’ai soutenu depuis juin 2016. Je suis en phase avec son programme qui allie à la fois une libération du travail et protège ceux qui prennent des risques. C’est un projet équilibré et progressiste, même si nous avons tendance à confondre le fait de libérer le travail et libéralisme.

Avec quels points clés êtes-vous d’accord ?

Christian Saint-Étienne :

La production de biens et services nécessite du capital et du travail. Réduire fortement la fiscalité du capital et flexibiliser le travail est une nécessité absolue. Mais il faut des mesures claires et visibles. Au lieu de 2 taux sur la fiscalité du capital (30%) et sur l’impôt sur les sociétés (25%), un taux unique à 28% serait plus lisible par tous. Mais on ne peut flexibiliser le marché du travail en créant simplement un nouveau contrat de travail plus flexible sans mener une vaste réforme de la formation professionnelle et de l’apprentissage.

Fréderic Bédin :

D’abord avec la simplification de la fiscalité des revenus du capital avec la flat taxe de 30%, cela devrait nous aider à trouver des investisseurs, donc à créer des emplois, et même faire revenir une partie de ceux qui sont partis à l’étranger. Mais aussi avec la simplification du droit du travail et de l’indemnisation du chômage, l’harmonisation des systèmes de retraite, la modernisation de tout…

Jean-Baptiste Danet :

J’ai une attitude volontairement positive car nous avons soumis 70 propositions* et une trentaine ont été retenues par Emmanuel Macron. C’est aussi la première fois qu’un président s’attaque au Code du travail. En revanche, ce qui manque c’est une échéance.

Quand la réforme sera-t-elle effective ? Nous lui reconnaissons aussi un énorme effort sur l’école, l’éducation et la formation, un investissement de 15 Mds€ étant des dépenses essentielles. Travailler sur l’éducation va permettre de préparer les talents de demain.

Bruno Bonnell :

D’abord, Macron connaît le monde de l’entreprise, il sait que la clé de la croissance c’est l’investissement. Avec la baisse de l’IS de l’ordre de 25%, il redonne leur capacité d’investissement aux entreprises mais également du pouvoir d’achat aux Français à travers la suppression de la ligne chômage sur leur fiche de paie. Il responsabilise les acteurs du dialogue social, notamment concernant les 35 heures pour lesquelles des accords entre entreprises et salariés pourront prévaloir sur la loi.

Enfin, jusqu’à présent, les créateurs d’entreprise n’avaient que leurs yeux pour pleurer en cas d’échec. Toutes ces personnes audacieuses qui créent de l’emploi n’avaient pas de protection. Dans son programme, Emmanuel Macron donne accès au chômage aux entrepreneurs qui osent.

 Et quels sont les défauts de son programme ?

Christian Saint-Étienne :

Le défaut colossal, celui qui va le hanter pendant 5 ans, est la non réforme des retraites. Il est impératif de porter l’âge de départ à 64 ans avec 44 ans de cotisation. Il faut également réduire le nombre de fonctionnaires et accélérer la restructuration des hôpitaux.

Fréderic Bédin :

Il reste quelques imprécisions qui devraient créer des débats, par exemple sur la taxation des CDD. Ce qui est primordial c’est de diminuer les cotisations, mais cette baisse peut se moduler pour donner du grain à moudre à la négociation. Cela risque néanmoins de recréer de la complexité.

Jean-Baptiste Danet :

Nos inquiétudes ? Que Macron se soit engagé vis-à-vis de Bruxelles. Il va donc lui falloir tenir la réduction du déficit. Nous espérons une feuille de route qui soit un régulateur fiscal et politique afin de travailler sur cette stabilité sur 3-4 ans.

Bruno Bonnell :

Macron le définit lui-même en disant : «Nous allons lancer des chantiers». Dans tout chantier, il est nécessaire de corriger progressivement, d’ajuster, de dialoguer… tout part d’un échange. Quels que soient les défauts, nous avons néanmoins un chantier amené à s’améliorer.

Quelle est la 1ère mesure économique que vous attendez ?

Christian Saint-Étienne :

Annoncer simultanément la réforme de la fiscalité du capital et du marché du travail. Il s’agit notamment de passer la fiscalité des revenus du capital, intérêts, dividendes et plus-values, à 28%, et l’impôt sur les sociétés à 28%. Pour le marché du travail, il faut, outre un nouveau contrat de travail plus flexible, toute en gardant le CDI actuel pour ceux qui en ont signé un, introduire des CDD de 18 mois et 3 ans et doubler les seuils sociaux.

Fréderic Bédin :

Le transfert des cotisations sur la CSG car cela devrait donner du pouvoir d’achat à tous mes collaborateurs. Ce sera un appel d’air économique et une redistribution générationnelle légitime.

Jean-Baptiste Danet :

Le Code du travail… La priorité dans l’agenda présidentiel reste de libérer le marché de l’emploi mais aussi de retrouver la liberté du dialogue social suivi de très près par l’accompagnement fiscal.

Bruno Bonnell :

La réforme du travail avec l’allègement des charges, le cœur du réacteur ! Muriel Penicaud a été directrice des Ressources Humaines pour de grands groupes, le poste semble taillé pour elle. La priorité, c’est de libérer les entreprises. Macron l’a compris, sa politique commence par le développement économique.

L’objectif de Macron est de réaliser 60 Mds€ d’économie d’ici 2022. Est-ce réaliste ? Suffisant ?

Christian Saint-Étienne :

Totalement insuffisant, surtout que les mesures annoncées ne permettront pas de réduire la dépense de plus de 30 Mds€, alors que le triple est nécessaire ! Sans réforme des retraites qui dépassent 14% du PIB, soit le quart de la dépense publique, sans restructuration des collectivités locales et des hôpitaux et sans réduction des subventions de tout ordre, il n’y aura pas de progrès sur le rééquilibrage des finances publiques.

Fréderic Bédin :

Réaliste évidemment, suffisant non car la dette de la France est de 2.000 Mds€ et croît toujours de 60 Mds€ par an. Nous sommes à la merci d’une hausse des taux d’intérêts et du bon vouloir de l’Allemagne de mutualiser ou non nos budgets. Cette perte de souveraineté est compliquée à comprendre pour certains mais c’est une épée de Damoclès terrible.

Macron a souvent dit en petit comité qu’il veillerait à empêcher le recrutement sous statut de la fonction publique de tout collaborateur qui pourrait avoir un statut privé, du jardinier au consultant en stratégie d’entreprise à Bercy. Ce n’est pas un fonctionnaire sur deux, c’est 100% de non renouvellement !

Cela lui donnera des marges de manœuvre pour recruter des policiers, des instituteurs en banlieue…Ce transfert au privé va lui-même créer un effet d’entraînement vertueux qui créera de la croissance.

Jean-Baptiste Danet :

Certains candidats s’étaient engagés à beaucoup plus ! Aujourd’hui, cela semble cohérent notamment avec la réduction des agents de la fonction publique. Mais cela reste insuffisant par rapport à la dette, même si les réformes sont menées en temps et en heure. Si nous atteignons un niveau de croissance de l’ordre de 2% à la fin du quinquennat, cela aura un effet direct sur l’emploi et nous aurons ainsi atteint largement les 60 Mds€ d’économie.

Bruno Bonnell :

Je suis persuadé qu’à droite comme à gauche, la grande administration française est professionnelle. J’ai personnellement assisté à l’élaboration du chiffrage de cette économie et le curseur de 60 Mds€ est jugé possible.

Je ne suis pas spécialiste de la dette mais je reste persuadé que ce chiffre est atteignable. Dans les conditions mises en place Macron, on retrouve un investissement de 50 Mds€ qui devrait permettre de réaliser justement cette économie de 60 Mds€…

Réformer le CICE pour baisser les charges des entreprises sera-t-il suffisant pour les rendre plus compétitives ?

 

Christian Saint-Étienne :

Non, il faudra également baisser les taxes à la production. Transformer le CICE en baisse de charges ne change rien à l’écart des charges sur les entreprises qui existe entre la France et l’Allemagne, de l’ordre de 120 Mds€. Il faut progressivement réduire les taxes à la production et, surtout, déréglementer pour que les règles industrielles et environnementales soient ramenées au niveau allemand. Il est notamment nécessaire d’effacer la sur-transposition systématique des directives européennes en droit français.

Fréderic Bédin :

Le CICE a permis à certaines entreprises de se refaire des marges, mais il faut aller plus loin en le transformant en baisse de charges, pour plus de simplicité, et une meilleure attractivité de la France, avec des taux faciaux plus normaux. Ensuite, il faut trouver un moyen de baisser les charges sur les hauts salaires afin de permettre la montée en gamme des entreprises françaises.

Que ce soit dans l’industrie ou dans les services, il ne faut pas tout investir sur les bas salaires sous peine de se priver des fonctions qui génèrent le plus de richesses et fabriquent les emplois des autres.

Jean-Baptiste Danet :

Nous souhaitons que le CICE soit réformé en baisses de charges sociales, créatrices de pouvoir d’achat pour les bas salaires. Cette transformation améliorera la compétitivité des entreprises.

Bruno Bonnell :

Le CICE n’a pas atteint ses objectifs… il a fallu 3 ans pour s’en rendre compte. Cette idée avait pourtant séduit les syndicats et les politiques. Dire aujourd’hui qu’on le transforme c’est le rendre plus lisible pour les PME et ETI. Car les entrepreneurs n’ont pas besoin d’être baby-sitter par l’État, tous ont cet esprit d’indépendance. Pendant des années, nous avons été bombardés d’idéologies et de grandes idées. Aujourd’hui, il est temps de miser sur l’esprit d’entreprendre.


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