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Loi travail : ce qui va (vraiment) changer pour les entreprises

Promesses de campagne d’Emmanuel Macron, les dispositions de la loi travail entreront en vigueur dans les mois qui viennent. Ces réformes, qui visent à déverrouiller l’économie française et introduire la notion de « flexisécurité » dans le droit du travail, devraient permettre de faire reculer le chômage. 

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Promesses de campagne d’Emmanuel Macron, les dispositions de la loi travail entreront en vigueur dans les mois qui viennent. Ces réformes, qui visent à déverrouiller l’économie française et introduire la notion de « flexisécurité » dans le droit du travail, devraient permettre de faire reculer le chômage. 

Le 31 août dernier, le Premier ministre, Edouard Philippe, et la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, annonçaient le contenu des ordonnances réformant le Code du travail. L’objectif visé par le gouvernement consistait à donner plus de souplesse aux entreprises afin de redynamiser l’emploi et « faire disparaître le chômage de masse ». Le ton de la rentrée était donné.

« Notre droit du travail ne répond plus adéquatement à la diversité des entreprises, des secteurs, des parcours et des attentes des salariés, précise le gouvernement. (…) la protection des salariés peut être mieux assurée pas des normes négociées entre les représentants des salariés et les employeurs ». Présentée comme « une avancée sociale majeure », cette réforme s’avérait en effet nécessaire.

Plusieurs mesures sont au centre de cette loi travail 2.

Nommé « Projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social », ce dernier est composé de 36 grandes mesures visant à instaurer une « flexisécurité » à la française et à enrayer le chômage de masse, mal endémique de l’économie française.

La finalité de ce projet de loi est de permettre aux entreprises d’embaucher avec plus de flexibilité et d’avoir plus d’agilité pour surmonter la situation économique. A cette fin, la loi travail a instauré plusieurs dispositions : la facilitation du licenciement économique, le début d’inversion de la hiérarchie des normes au profit du dialogue social ou encore le référendum d’entreprise. Parallèlement, des droits supplémentaires sont accordés aux salariés ou aux personnes en recherche d’emploi, tels que le droit à la déconnexion, le compte personnel d’activité (CPA), les congés payés facilités ou encore l’extension de la « garantie jeunes »…

A noter que la loi travail évite soigneusement de s’attaquer à deux piliers du code du travail :  la durée légale du travail fixée 35 heures et le salaire minimum (Smic).

La proposition, séduisante sur le principe, s’articule autour de trois notions majeures pour les employés et les entreprises : la souplesse, la sécurité, et l’efficacité. Un des enjeux forts de cette réforme étant de réussir à faire converger les intérêts des salariés et ceux de l’entreprise vers un objectif commun.

Les grandes lignes s’organisent principalement autour de l’articulation des normes de négociation entre la loi, les branches et les entreprises, le dialogue économique et social et la sécurisation des relations de travail.

LES PRINCIPALES ORDONNANCES

CDD :

un profond chamboulement. Les ordonnances proposent une rupture de taille : désormais, les modalités des CDD seront déterminées par la branche et non plus fixées par la loi. La loi ne déterminera donc plus des éléments tels que la durée du CDD, le nombre de renouvellement ou encore le délai de carence. Les opposants voient dans cette disposition un risque de précarisation des contrats de travail.

Le plafonnement des indemnités prud’homales.

Cette disposition constitue une mesure phare de la réforme. L’idée n’est pas neuve, la mesure avait déjà été proposée à l’été 2015 par le même Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie. Cette dernière avait été retoquée par le Conseil constitutionnel au motif que les sommes versées n’étaient pas les mêmes en fonction de la taille de l’entreprise, et constituait donc une rupture d’égalité des citoyens devant la loi.

Les ordonnances proposent de nouveau un plafonnement des indemnités prud’homales, selon les modalités suivantes : en cas licenciement abusif, les indemnités seront plafonnées à 3 mois de salaire jusqu’à 2 ans d’ancienneté. Elles augmenteront ensuite jusqu’à un maximum de 20 mois de salaire à partir de 30 ans d’ancienneté. Le principe de plafonnement ne vaut pas en cas d’harcèlement ou de discrimination.

La réduction du délai de recours.

Le délai de recours aux prud’hommes était jusqu’alors d’un an pour les licenciements économiques et de deux ans pour tous les autres motifs. Les ordonnances prévoient d’harmoniser le délai de recours à un an quelque soit le motif du licenciement.

L’augmentation des indemnités de licenciement. Les indemnités sont revalorisées à hauteur de 25%.

La mise en place d’un contrat de projet. Le « CDI de projet » consiste à élargir le CDI de chantier en vigueur dans le secteur du bâtiment.

Vers une rupture conventionnelle collective.

Jusqu’à présent, la rupture conventionnelle ne pouvait être qu’individuelle. Avec la réforme, la situation va profondément évoluer, comme l’explique Muriel Pénicaud : « La réforme crée une rupture conventionnelle collective. Cette négociation basée sur les départs volontaires pourra être homologuée par l’administration. »

La réforme du compte pénibilité.

Considéré comme un écheveau d’une grande complexité  par le patronat, le gouvernement ne pouvait faire l’impasse sur ce sujet. Une ordonnance entière est donc consacrée au compte pénibilité désormais renommé « compte professionnel de prévention ». La déclaration des facteurs de pénibilité est désormais supprimée.

La négociation des primes.

Les primes se négocient actuellement au niveau des branches ou des conventions collectives, la réforme du code du travail permettra de négocier les primes directement au niveau des entreprises. « Les salariés comme l’employeur pourraient, par exemple, décider de négocier une prime de garde d’enfant plutôt qu’une prime d’ancienneté », précisait la ministre du Travail, le 31 août dernier.

La négociation sans syndicat autorisée dans les PME.

Il sera désormais possible de négocier avec un employé non mandaté par un syndicat dans les entreprises de moins de 20 salariés. Cette mesure, qui supprime de fait le dialogue syndical, vise à approfondir les rapports entre patron et salariés dans les entreprises de petite taille. Dans les entreprises comprenant entre 20 et 50 salariés, la négociation pourra se faire avec un élu du personnel non mandaté.

Le « droit à l’erreur » de l’employeur.

Afin de limiter la crainte d’être condamné sur une erreur formelle, les entreprises bénéficieront d’un « droit à l’erreur » valant pour les licenciements dans les TPE et PME. Le but poursuivi étant que les « vices de forme de bonne foi ne pénalisent plus les entreprises » condamnées dans certains cas à payer des dommages et intérêts très conséquents.

La simplification des procédures de licenciement économique. La loi travail définit les critères selon lesquels les entreprises auront le droit de recourir au  licenciement économique.

Les deux critères retenus, baisse des commandes ainsi que la baisse du chiffre d’affaires, sont donc corrélés à la taille de l’entreprise.

• Pour les entreprises de moins de 11 salariés :

un trimestre de baisse du chiffre d’affaires ou de baisse des commandes ;

• Pour les entreprises entre 11 et 49 salariés :

deux trimestres de baisse du chiffre d’affaires ou de baisse des commandes ;

• Pour les entreprises de 50 à 299 salariés :

trois trimestres de baisse du chiffre d’affaires ou de baisse des commandes ;

• Pour les entreprises de 300 salariés ou plus :

quatre trimestres de baisse du chiffre d’affaires ou de baisse des commandes.

Le déverrouillage des négociations d’entreprise.

La primauté de l’accord d’entreprise sur les dispositions d’un accord de branche même si celui-ci est moins favorable aux salariés est désormais une réalité. Très décrié par les syndicats qui y voient une importante régression sociale et une inversion de la hiérarchie des normes, cet article fut au cœur des négociations.

Les accords offensifs.

La durée du temps de travail, le nombre de jours de RTT ou encore le mode de rémunération des heures supplémentaires peuvent être modifiés par un accord d’entreprise entre l’employeur et les syndicats sans justification préalable. Si un accord est conclu et qu’aucun recours n’est déposé dans un délai de deux mois, les changements associés s’imposent dans le contrat de travail du salarié. Ces accords ne peuvent être mis en place que dans les entreprises dotées de représentants syndicaux.

La durée légale du travail est maintenue à 35h. Si la loi Aubry et la durée légale de référence perdurent,  des changements sont cependant à prévoir. En cas de circonstances exceptionnelles propres à l’entreprise, la durée de travail hebdomadaire peut être portée à 60 heures contre 48 aujourd’hui, moyennant l’autorisation de l’inspection du travail en plus de l’accord d’entreprise. Mais la loi ne définit pas ces fameuses « circonstances exceptionnelles ».

AMPLIFICATION DES MESURES DE LA LOI EL KHOMRI

La majoration des heures supplémentaires

se maintient à hauteur de 25% pour les huit premières heures, et à 50% pour les suivantes. Cependant, cette majoration peut être limitée à 10% suite à un accord entre la direction et les représentants syndicaux à condition qu’aucun accord de branche ne s’y oppose.

Instauration d’un référendum d’entreprise.

Il s’agit d’une innovation dans le droit du travail. La validation du référendum est soumise à l’approbation de plus de 50% des salariés. Les syndicats majoritaires ne pourront pas s’opposer au résultat.

La mise en place du Compte Personnel d’Activité (CPA).

Elle constitue la grande réforme sociale du quinquennat. La loi travail en précise les modalités : ce compte regroupe le compte personnel de formation (CPF), le compte pénibilité ainsi que le compte d’engagement citoyen (CEC), un nouveau compte valorisant les activités bénévoles.

La reconnaissance d’un droit à la déconnexion.

Cette mesure oblige les entreprises à mettre en place des mesures permettant de garantir le respect des congés payés et du temps de repos de salariés. Ces mesures sont négociées directement dans l’entreprise entre les représentants du personnel, les représentants syndicaux et la direction. Un point reste en suspens : quelles seront les mesures prises à l’égard des entreprises ne respectant pas cette obligation ?

La reconnaissance du bulletin de paie électronique.

Elle s’inscrit dans une démarche de simplification et de respect de l’environnement. Pour l’heure, l’employeur doit préalablement solliciter l’accord du salarié pour recourir au bulletin de paie électronique, le salarié étant en droit de s’y opposer.

La religion au sein de l’entreprise.

La loi autorise les entreprises à inscrire dans les règlements intérieurs des « dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés ».

La protection des travailleurs saisonniers.

La loi travail souhaite rétablir l’équilibre avec les CDD traditionnels. Depuis l’été 2017, les entreprises qui emploient des travailleurs saisonniers sont dans l’obligation de « négocier d’une saison sur l’autre la reconduction des contrats à caractère saisonnier et de prendre en compte l’ancienneté des salariés ».

L’extension de la « Garantie jeunes ».

Entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2017, ce dispositif vise à aider les 18-25 ans en situation de chômage ou de décrochage scolaire.

La réforme imaginée ouvre le champ des possibles pour les entreprises – notamment les TPE, PME et ETI -, les ordonnances leur offrant plus de flexibilité à travers un assouplissement du dialogue social via les délégués du personnel ou le recours au référendum, la simplification des licenciements, la fusion des instances représentatives du personnel, l’assouplissement du cadre juridique du télétravail…

« Cette réforme constitue une première étape importante dans la construction d’un droit du travail en phase avec la réalité quotidienne de nos entreprises », a indiqué Pierre Gattaz, le président du MEDEF. Les possibilités offertes aux entreprises constituent de véritables opportunités pour l’avenir mais le nouveau modèle imaginé suppose une réflexion de fond sur la relation employé-employeur, l’organisation et le management au sein de l’entreprise.


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