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Lettre ouverte à Emmanuel Macron : « Au lieu de subventionner les éditeurs, sauvons les marchands de journaux ! », par Robert Lafont

Nicolas Sarkozy a essayé de le faire. Sauver la presse : l’intention était louable, mais dans l’application le contresens a été total, faute sans doute d’avoir eu les bons interlocuteurs. Monsieur le Président, ne tombez pas dans le panneau : celui des représentants des grands groupes de presse qui n’ont qu’une idée en tête : toucher plus de subventions au détriment de la qualité du réseau de distribution et de la diversité des titres.  

Entreprendre - Lettre ouverte à Emmanuel Macron : « Au lieu de subventionner les éditeurs, sauvons les marchands de journaux ! », par Robert Lafont

Nicolas Sarkozy a essayé de le faire. Sauver la presse : l’intention était louable, mais dans l’application le contresens a été total, faute sans doute d’avoir eu les bons interlocuteurs. Monsieur le Président, ne tombez pas dans le panneau : celui des représentants des grands groupes de presse qui n’ont qu’une idée en tête : toucher plus de subventions au détriment de la qualité du réseau de distribution et de la diversité des titres.
 

Cette position n’est pas tenable et puisque vous faites à juste titre de la francophonie l’un de vos chevaux de bataille, le développement et la prospérité des titres de presse, qu’ils soient magazines ou quotidiens sont à cet égard des leviers indispensables. Vous avez aujourd’hui une opportunité unique d’y parvenir… Et sans que l’État mette la main au porte monnaie. Ce n’est pas si compliqué. Encore faut-il faire le bon diagnostic. J’essaye de vous aider à y avoir clair… Car la pluspart du temps dans ce type d’analyse, chacun défend d’abord son intérêt propre.

S’il reste 23 450 points de vente presse (kiosques ou marchands de journaux) dans notre pays, près de 800 ferment chaque armée… une véritable hécatombe, car à chaque fois, c’est un peu de diversité, de convivialité et de culture qui disparaissent en même temps. Un quartier sans point de vente presse est un quartier sans vie. C’est à prendre en compte aussi dans notre équilibre social.

Combien restera -t-il de ces points de ventes presse, et de ces valeureux marchands dans un an ou 5 ans ? J’ai eu l’occasion de le dire chez Jean-Marc Morandini sur CNews « Au lieu de subventionner le Figaro, Lagardère, ou Closer, les pouvoirs publics devraient supprimer les aides à la presse (200 M€ au bas mot ?) et les rebasculer vers les kiosquiers pour les aider à se maintenir et à se moderniser». Eux seuls assurent le pluralisme et la diversité de la presse…

Encadré par la Loi Bichet qui garantit l’intégralité de la distribution entre les titres encore faut il que celle-ci soit respectée. Le moins que l’on puisse dire est que le pluralisme ne semble plus être la priorité des principeaux dirigeants de Presstalis en particulier, ou de Relay, qui s’est taillé un véritable monopole dans les gares et aéroports… Certains parlent même sous le manteau, de vider cette loi de son contenu, de grands groupes ne s’en cachent même pas. Pour eux, la disparition des petits titres leur permettra d’accroître la vente des gros titres installés… Malheureusement, c’est l’inverse qui se produira.

C’est l’offre qui fait la demande et la diversité qui fait l’attractivité (voir le succès des hypermarchés). Pourtant, on s’évertue à ratiociner le formidable foisonnement de l’offre éditoriale française. Comment ? En permettant le développement de points de vente complémentaires (PCV) avec une offre limitée à 150 ou 400 titres et je ne parle pas des règles de l’assortiment (mises en place par la profession elle-même qui se tire une balle dans le pied), ou du diktat de la grande distribution, que l’on laisse  parfois imposer ses règles alors que c’est contraire à l’esprit et aux textes… Et aux intérêts de l’ensemble de la filière.

Dernier point, et ce n’est pas le moindre, les aides à la presse financent le développement du numérique. Ce n’est pas une blague. Un contre-sens total. Personne ne s’en cache… Là aussi, au grand profit des grands groupes car ils sont les seuls à pouvoir se payer des stratégies numériques ambitieuses. Même Le Figaro, sans vouloir le citer, justifie ouvertement sa dernière augmentation de prix de vente pour développer son site. Les lecteurs qui aiment le papier sont contents de l’apprendre. Alors étonnez-vous, après cela, que Presstalis (ex NMPP), dans ce contexte, connaisse des problèmes.

Ayant, et contrairement aux MLP, soustraité l’ensemble de sa distribution à Geodis , tout en conservant plus de1000 salariés. Les MLP (qui ont conservé la gestion du niveau 2) le font avec beaucoup moins de personnel. Avec plusieurs centaines de M_  de dettes et aucun résultat d’exploitation, Presstalis  n’a rien trouvé de mieux que de ponctionner de 25% les éditeurs sur 2 mois… Et ce n’est pas fini, on apprend que tous les éditeurs, même ceux des MLP, seront égalemnt prélevés de 2,25% supplémentaires jusqu’en 2022. Et de nombreuses petites maisons songent à fermer…

Cela s’appelle du perdant-perdant… Il y a pourtant une solution de bons sens. Financer et aider les points de vente et marchends de journaux à se moderniser, et laisser les éditeurs se débrouiller… Après tout, l’exemple d’Amazon  qui arrive à livrer en 24h dans toute la France pourrait donner des idées (je ne parle ici que de la presse magazine, étant entendu, que le coût de la distribution des quotidiens est un autre sujet).

Monsieur le Président, vous l’avez compris, il y a bien mieux à faire pour la presse française. Et ce n’est pas une question d’argent… Cela rejoint, en plus, parfaitement votre préoccupation de défendre la langue française, et accessoirement de mettre à bas des «fausses nouvelles»  amplifiées par internet. Je reste, bien entendu, à votre entière disposition.

Robert Lafont

Président-fondateur d’Entreprendre

Administrateur des MLP


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