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Comment un jeune entrepreneur libanais est devenu le 3ème armateur mondial

Jacques Saadé fait partie des hommes dont l’histoire du commerce maritime se souviendra longtemps... Il y a 38 ans, en pleine guerre civile au Liban, un jeune entrepreneur quitter Beyrouth pour Marseille pour mettre sa famille à l’abri.

Entreprendre - Comment un jeune entrepreneur libanais est devenu le 3ème armateur mondial

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Jacques Saadé fait partie des hommes dont l’histoire du commerce maritime se souviendra longtemps… Il y a 38 ans, en pleine guerre civile au Liban, un jeune entrepreneur quitter Beyrouth pour Marseille pour mettre sa famille à l’abri.

Rapidement après son arrivée en septembre 1978, il crée la Compagnie Maritime d’Affrètement (CMA) pour «commercer» entre le Levant et la Méditerranée occidentale. Cet homme, c’est Jacques Saadé, 79 ans, à la tête du 3ème armateur mondial, employant 22.000 personnes à travers un réseau de plus de 765 agences pour 13,8 Mds€ de CA.

Un esprit visionnaire

Parti de rien ou presque, fraîchement débarqué à Marseille, le jeune entrepreneur ouvre une voie jamais explorée.

«Pour vous restituer le contexte, j’effectuais un stage aux États-Unis dans le cadre de mes études lorsque j’ai découvert le conteneur. Nous étions à l’aube de la guerre du Vietnam et l’armée américaine utilisait les conteneurs pour transporter le ravitaillement. À compter de ce moment, j’ai réalisé l’importance de ce mode de transport et son avenir dans les échanges économiques maritimes. C’est ainsi que, le 13 septembre 1978, j’ai décidé avec quatre collaborateurs d’ouvrir une compagnie maritime dédiée au transport de conteneurs entre Marseille, Beyrouth au Liban et Lattaquié en Syrie», témoigne Jacques Saadé.

Les premières années, la CMA opère principalement en Méditerranée. Mais l’entrepreneur a l’intuition que la culture dominante du transport de ligne français reposant sur l’ancien empire colonial et sur le protectionnisme est vouée à disparaître. Surtout, il décide qu’il faut aller plus loin et relier la côte est nord-américaine au Levant.

Toujours un temps d’avance

«C’est cette culture internationale qui permettra à Jacques Saadé d’avoir toujours un temps d’avance», indique Benoît Tournebize, directeur de la communication. «Le monde deviendra vite son terrain de jeu». Dès 1983, la CMA part à la «conquête de l’Est», en traversant le canal de Suez afin de profiter du développement de la région située autour de la mer Rouge, avant de desservir les marchés du golfe Arabo-Persique. L’Inde et la Chine sont la suite logique.

En 1992, la CMA ouvre son premier bureau à Shanghai, dont la direction est confiée à John Wang, professeur d’université : «Pour qu’il recrute les meilleurs étudiants chinois !», explique Benoît Tournebize. Pari gagnant puisque, aujourd’hui, l’organisation chinoise compte 64 bureaux et plus de 1.500 collaborateurs.

De grand à géant

«Depuis 1978, nous nous développons, toujours avec la même passion, avec les mêmes valeurs : des valeurs d‘audace, d’imagination, de courage, d’intégrité», déclarait Jacques Saadé à l’occasion des 35 ans de son groupe, en 2013. Ainsi, les années 1990-2000 sont celles de l’expansion et des acquisitions.

En 1994, 8 navires de 3.400 evp (équivalent vingt pieds : unité approximative de mesure de conteneur) assurent des rotations régulières entre l’Europe et l’Extrême-Orient. Ce service prend le nom de FAL (French Asia Line) et devient la ligne de référence de CMA, la plus importante en termes d’activité, de volume et de navires.

Campagne d’acquisition

La CMA devient le 1er transporteur maritime français de conteneurs. Pour autant, le capitaine Saadé ne s’en contente pas. Deux ans plus tard, il saisit l’opportunité de racheter CGM, l’une des plus anciennes compagnies maritimes que l’État veut privatiser, devenant le 12ème acteur mondial. En parallèle, le groupe commence la diversification de ses activités en prenant le contrôle des terminaux portuaires à conteneurs – essentiel pour contrôler la chaîne logistique et fournir le meilleur service aux clients – et poursuit une campagne d’acquisitions : CNC (Taïwan), Comanav (Maroc), US Lines (États-Unis)…

«Nous rachetons principalement des transporteurs de niche dotés d’une solide expertise et jouissant toujours d’une position clé sur leurs marchés respectifs». Ainsi, le rachat de DELMAS à Bolloré en 2006 permet à CMA CGM de devenir le spécialiste de l’Afrique, tandis que la prise de contrôle en décembre dernier de Neptune Orient Lines, transporteur singapourien, propulse CMA CGM au rang de n°1 sur les lignes maritimes entre l’Asie et l’Amérique.

 

Cap sur l’avenir

Présent sur tous les océans et reliant tous les continents, l’armateur sait que, pour maintenir sa place de leader français et de n°3 mondial, l’avenir du shipping se situe dans l’innovation.

Et comment innove-t-on dans le transport maritime ? En misant sur le multimodal (CMA CGM investit beaucoup dans des moyens de transport routier, fluvial et ferroviaire à travers son enseigne GREENMODAL Transport) et sur une flotte des plus performantes, symbolisée par des navires gigantesques comme les CMA CGM Christophe Colomb (premier 11.400 evp en 2009), CMA CGM Marco Polo (jusqu’à 16.000 evp en 2012), CMA CGM Jules Verne (long de 396 m, en 2013)… jusqu’au CMA CGM Bougainville inauguré fin 2015, plus grand porte-conteneurs au monde battant pavillon français.

Grâce à ces navires de grande capacité, le groupe est parvenu en 10 ans à réduire ses émissions carbone par conteneur de 50% et à gagner d’importantes parts de marché. «En 2015, nous avons réalisé 30% de croissance aux États-Unis. Une performance rendue possible grâce à la volonté de Jacques Saadé de faire escaler un navire de 18.000 evp au porte de Los Angeles, du jamais vu ! », raconte fièrement Benoît Tournebize.

Toujours à la barre et entouré de ses enfants Rodolphe Saadé (vice-président), Tanya Saadé Zeenny (directrice générale déléguée) et Jacques Junior (directeur immobilier), le capitaine d’industrie peut se féliciter d’avoir su conserver le caractère familial et indépendant de son empire, malgré une entrée au capital du Fonds stratégique d’investissement (FSI) et du turc Yildrim après la crise de 2008.

«Aujourd’hui, nous misons sur l’avenir et investissons dans le développement de notre groupe, pas dans des profits à court terme qui ne durent qu’un temps. Nous nous sommes fixé des objectifs ambitieux et nous nous donnons les moyens de les atteindre. Nous savons nous montrer réactifs et flexibles, ce qui nous permet de saisir toutes les opportunités», explique le patriarche, qui continue de présider les comités de direction hebdomadaires depuis le siège marseillais.


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