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Comment Gilles Martin (Eurofins) a fait de sa PME un géant mondial

En 30 ans, Gilles Martin a transformé un petit laboratoire nantais en leader mondial de la bioanalyse. Des années 90, période où il se lance dans l’entrepreneuriat, à aujourd’hui, le fondateur d’Eurofins, 25ème fortune française, revient sur une trajectoire qu’il n’aurait « jamais pu imaginer ».

Entreprendre - Comment Gilles Martin (Eurofins) a fait de sa PME un géant mondial

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En 30 ans, Gilles Martin a transformé un petit laboratoire nantais en leader mondial de la bioanalyse. Des années 90, période où il se lance dans l’entrepreneuriat, à aujourd’hui, le fondateur d’Eurofins, 25ème fortune française, revient sur une trajectoire qu’il n’aurait « jamais pu imaginer ».

Aussi loin qu’il se souvienne, Gilles Martin a toujours voulu être entrepreneur. « Je lai toujours su. Quand j’avais 15 ans, je le savais déjà. » A cet âge-là, Gilles Martin s’était essayé à la vente d’objets de collection, « un peu comme du trading ».

Sa première entreprise, ce fils d’un couple de scientifiques l’a lancée lors de sa première année à Centrale Paris, en 1984, avec un ami. Son nom : Objectif Maths. C’est après un brainstorming et quelques recherches que les deux Centraliens décident de se lancer dans le grand bain en proposant une méthode d’apprentissage adaptée aux mathématiques. « Un choix un peu fortuit… »

Cours, séminaires, stages… Gilles Martin et son associé, Hervé Lecat, parviennent à commercialiser leur idée, qui présentait un avantage notable : l’entreprise ne nécessitait aucuns capitaux car les parents payaient d’avance. « C’était idéal pour démarrer. » Finalement, Gilles Martin cèdera Objectif Maths à son associé. « Il trouvait qu’il y passait beaucoup plus de temps que moi, il a donc racheté mes parts. » Devenu Complétude (23 M€ de CA), l’entreprise est devenue le numéro deux du soutien scolaire à domicile.

« A Centrale, j’ai passé plus de temps à développer mon entreprise qu’en amphi »

A Centrale, les deux étudiants ont trouvé un contexte favorable au développement de leur entreprise. « On avait beaucoup de libertés. On pouvait organiser son travail comme on voulait. La seule chose qui comptait, c’était d’avoir des notes suffisantes aux examens. Ceux qui arrivaient à préparer les examens la veille de l’échéance pouvaient faire autre chose le reste du temps. J’ai passé sans doute plus de temps à développer mon entreprise qu’en amphi pendant ces trois ans ! »

Si le fonctionnement de l’école a permis aux deux étudiants de développer leur entreprise, le cursus en lui-même n’a pas laissé un souvenir impérissable à l’ancien élève de Sainte-Geneviève (Versailles). « Je ne garde pas de grands souvenirs de Centrale. J’ai fait des études parce que c’est ce qui se faisait en France, mais cela ne m’a rien apporté. Ce sont des anachronismes à la française… Lors de ma dernière année à Centrale, j’ai suivi un cours d’informatique générale. Là, j’ai appris pas mal de choses. Mais les quatre années précédentes furent assez inutiles. »

Gilles Martin part aux Etats-Unis pour son doctorat qui portait sur l’intelligence artificielle. Etudiant à l’université Syracuse (New York), il intègre une start-up américaine d’imagerie médicale, pionnière en matière d’intelligence artificielle. « On développait des logiciels, raconte-t-il. L’IA est à la mode aujourd’hui, mais ce n’était pas le cas à l’époque. Ce que fait aujourd’hui Facebook avec la reconnaissance d’images, nous le faisions déjà à l’époque sur les images IRM cérébraux pour détecter des tumeurs. » La préhistoire de l’IA, en quelque sorte.

Au bout de 8-9 ans d’existence, l’entreprise nantaise atteint 3 M€ de CA

Peu après, ses parents, tous deux professeurs de chimie à l’université de Nantes, l’appellent pour lui demander de revenir en France : ils ont développé une technologie d’analyse unique – elle permettait de détecter l’origine du sucre dans le vin – qu’ils songeaient à commercialiser. Leur fils, qui a déjà deux entreprises à son actif – Objectif Maths et Speclab, une société d’informatique, qui a depuis fusionné avec Eurofins -, semble être la personne idoine pour mener à bien ce projet.

Gilles Martin commence par racheter le brevet de ses parents au CNRS et lance l’entreprise en 1987. Il démarche alors les producteurs, les négociants en vin, quelques gouvernements… Mais le marché du vin étant « trop limité », il étend la technologie à d’autres applications. « En 2-3 ans, on a trouvé des clients pour atteindre un million d’euros de chiffre d’affaires. C’est d’ailleurs toujours le chiffre d’affaires que l’on fait aujourd’hui sur cette niche. »

Eurofins étend ensuite son périmètre. Grâce aux arômes, aux jus de fruits, aux produits pharmaceutiques et aux boissons, l’entreprise nantaise atteint 3 M€ de chiffre d’affaires au bout de 8-9 ans d’existence. « Cela a été long, très long », témoigne aujourd’hui Gilles Martin. De nos jours, les start-up vont plus vite. Mais nous n’étions pas sur de gros marchés. » Avec 50 salariés, Eurofins n’est encore qu’une PME, mais une PME rentable. Son premier grand contrat, l’entreprise le signe au début des années 90 avec l’Union européenne pour rendre sa technologie utilisable par les organismes de contrôle.

L’international sera d’ailleurs toujours la priorité de l’entreprise. Dès la première année, Gilles Martin se rend ainsi six fois par an aux Etats-Unis pour rencontrer des clients, mais aussi au Japon, au Royaume-Uni et en Allemagne. Résultat : dès la première année, « le chiffre d’affaires est à 70% hors de France ».

400 laboratoires dirigés par des entrepreneurs

En 20 ans, le leader de l’analyse agroalimentaire, pharmaceutique et environnemental est passé de 50 à plus de 30.000 salariés et affiche un chiffre d’affaires approchant les 3 milliards d’euros. « Jamais nous n’aurions pu imaginer une telle trajectoire. » Gilles Martin a appliqué des principes très simples pour développer Eurofins. Les laboratoires du groupe doivent offrir les analyses les plus innovantes. Ensuite, l’entreprise est organisée suivant un modèle décentralisé : Eurofins n’est pas un groupe intégré mais une fédération d’entreprises. Les 400 laboratoires sont dirigés par des entrepreneurs libres de diriger leur structure comme si c’était la leur.

« Il n’y a pas une journée où je rechigne à aller au bureau, raconte Gilles Martin. Tout simplement parce que j’ai beaucoup de liberté dans mes choix. Je souhaite donc que les entrepreneurs de notre groupe aient ce même plaisir de travailler. » Ce réseau d’entrepreneurs (ou d’intrapreneurs) constitue l’une des forces Eurofins. Et il ne cesse de s’accroître puisque l’entreprise finance plus de 20 laboratoires « start-up » par an. « Eurofins leur fournit les capitaux, les portefeuilles de tests, les logiciels… » Depuis une quinzaine d’années, la multinationale nantaise assure avoir financé plus de 150 projets de ce type.

Se différencier grâce à la panoplie de tests la plus avancée du marché, telle est l’obsession d’Eurofins. Pour la soutenir, l’entreprise rachète des laboratoires à tours de bras. Pas n’importe lesquels : ceux détenant une technologie unique, susceptible de garantir à Eurofins une avance sur la concurrence.

En 2017, l’entreprise a mis la main sur Amatsigroup (France), EAG Laboratories (Etats-Unis), Alphora (Canada) ou encore Advinus Therapeutics (Inde). Les laboratoires Craft Technologies (Etats-Unis), Labo Van Poucke (Belgique) et Tsing Hua (Taiwan) ont, quant à eux, rejoint le giron Eurofins en 2018.

Ces acquisitions doivent permettre à Eurofins de valider son objectif d’atteindre 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2019, ce qui représente le double de 2015. Avec le recul, on se dit que Gilles Martin a bien fait d’écouter ses parents.

[FIN][FIN][FIN] Eurofins en bref :

CA 2017 : 

2,9 Md€

Salariés : 

30 000

Chiffre clé : 

400

 laboratoires répartis à travers 42 pays

Siège : Luxembourg


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