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Christophe Audouin (Les 2 Vaches) : « Changer le modèle agroalimentaire de demain »

Plus qu’une entreprise, Les 2 vaches est un collectif qui a pour volonté de changer les choses, de contribuer à un monde meilleur, plus transparent, équitable et plus bio. Christophe Audouin, directeur général de Les 2 Vaches et de Stonyfield France, la filiale bio de Danone, nous explique comment un monde plus bio est possible.

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Plus qu’une entreprise, Les 2 vaches est un collectif qui a pour volonté de changer les choses, de contribuer à un monde meilleur, plus transparent, équitable et plus bio. Christophe Audouin, directeur général de Les 2 Vaches et de Stonyfield France, la filiale bio de Danone, nous explique comment un monde plus bio est possible.

En quoi le projet est-il largement inspiré du modèle américain de Stonyfield Farm ?

L’entreprise s’est lancée il y a presque 12 ans en France, très largement inspirée à l’époque par le modèle de l’entreprise américaine leader des produits laitiers bio aux US, Stonyfield, rachetée par le groupe Danone dans les années 2000. Franck Riboud, patron du groupe Danone était fasciné par cette société qui s’était montée aux Etats-Unis en l’espace d’une trentaine d’années sur un modèle à la fois d’activation marketing mais aussi sur sa raison d’être relativement différente de tout ce qui se pratiquait à l’époque.

Le principe d’activation marketing était singulier : zéro pub télé, aucun média, beaucoup de bouche à oreille, de proximité avec le consommateur et un CEO qui faisait le tour des États-Unis et de la planète pour parler de la mission de son entreprise. Cette entreprise ne s’est pas uniquement construite sur une ambition business mais aussi sur une mission et une raison d’être.

Se lancer dans la fabrication de yaourts bio ne se restreignait pas exclusivement à un objectif de création de valeur et de profit, elle témoignait de l’envie de changer les choses au niveau de l’agriculture et de la grande consommation. Gary Hirshberg parlait toujours d’un yaourt avec une conscience. C’est un homme particulièrement inspiré et inspirant et un environnementaliste convaincu.

Trente ans après, la petite entreprise est devenue une entreprise de 300 M€ de chiffre d’affaires, 3ème vendeur de yaourts aux États-Unis, rachetée en 2001 par le groupe Danone. Très inspirés par ce modèle, nous avons souhaité nous lancer dans une aventure similaire il y a plus de 10 ans en France.

Comment la marque Les 2 Vaches est-elle née et sous quelle forme ?

Nous n’avons pas décidé de lancer une marque faisant du bio chez Danone il y a 11 ans, nous avons souhaité travailler sur un projet intrapreunarial avec la création d’une filiale à part entière. Nous avons créé une entreprise avec une vision et incarnant une mission avec des salariés qui vivent le projet plus comme une création d’entreprise que comme le lancement d’une marque.

Cela a produit une différence essentielle sur le résultat et la manière de travailler et cela explique à mon sens 50 %, voire plus, du succès des 2 Vaches en France. C’est la grande intelligence du groupe Danone que d’avoir laissé et permis de faire vivre une aventure comme celle-ci de l’intérieur. Il aurait plus facile d’acheter des start-up ou des petites boîtes, il était nettement plus audacieux et compliqué que de laisser naître et se développer des projets comme celui-ci à l’intérieur du groupe agroalimentaire.

Quelle est la raison d’être de l’entreprise ?

Dès le début, l’entreprise s’est construire autour de la volonté de sauver les fermiers du bio qui à l’époque n’avaient pas suffisamment de débouchés pour leur lait bio après s’être convertis. Il y avait eu une première vague de conversion assez importante mais le marché était atone et ne croissait plus. Des centaines d’éleveurs se sont retrouvés dans une situation assez dramatique car ils ne parvenaient pas à valoriser leur lait qu’ils étaient contraints de vendre au prix du lait conventionnel. Il y a eu cette idée et elle est restée très fortement ancrée dans l’ADN de l’entreprise.

Depuis le début, notre raison d’être consiste à changer le modèle agroalimentaire de demain en partant de l’amont et en essayant de mieux travailler avec nos éleveurs, en les aidant et en les soutenant.

Quels furent les moments charnières ?

Nous marchons sur deux jambes. La première, correspondant à la dimension business, avec des moments majeurs tels que les lancements de références qui nous ont permis de faire des bonds en avant fulgurants sur le marché et de recruter des consommateurs qui n’allaient pas jusque-là sur le bio ou ne trouvaient pas l’unité de besoin qu’ils souhaitaient avoir.

Lorsque nous avons lancé notre première gamme de desserts il y 6 ans, nous avons connu des niveaux de croissance très forts pendant 2-3 années car le produit était excellent et répondait à une demande qui à l’époque n’était absolument pas pourvue sur ce marché qui était globalement était concentré sur les fromages blancs et les yaourts nature.

Réussir à travailler avec des clients majeurs fut également un facteur d’accélération. Nous avons collaboré dès les premières années avec des clients-partenaires comme Monoprix ou Auchan qui étaient pour très précurseurs sur le bio. 5 ans se sont écoulés et nous nous sommes retrouvés sur une croissance linéaire qui nous permet aujourd’hui d’être plus solides et de nous inscrire dans la durée.

Réussir à travailler avec des enseignes comme Intermarché ou Système U a constitué des niveaux d’accélération considérables et nous a aidés à être là où nous sommes aujourd’hui.

L’autre jambe est celle de l’amont agricole. Nous avons connu des moments absolument clés dans la croissance de l’entreprise. Le moment le plus fondamental consistant à réussir à convertir des éleveurs conventionnels au bio et à travailler avec eux. Nous sommes passés progressivement d’une logique initiale où nous achetions notre lait à la coopérative laitière Biolait qui est encore aujourd’hui notre partenaire à une collecte en propre autour de notre usine en Normandie.

Les choses ont grandement évolué car nous avons commencé par devenir un peu plus autonomes sur l’approvisionnement en lait, nous avons structuré nos filières. Nous avons donc commencé à travailler de façon pérenne avec les éleveurs en insufflant une dynamique de conversion qui nous permet aujourd’hui de disposer d’une accélération maîtrisée et d’avoir dans les tuyaux un nombre d’éleveurs nous permettant de préparer la suite (conversion à 2 ans).

A quoi correspond le programme de structuration de filière Reine Mathilde ?

Nous avons investi il y a 7 ans dans un programme de structuration de filière « Reine Mathilde », petit nom donné à notre programme de développement de production laitière biologique en Basse-Normandie où se situe notre usine. Impulsé par la marque, piloté par l’Institut de l’Elevage et visant à regrouper tous les acteurs de la filière (Groupe de Recherche en Agriculture Biologique, Chambre d’Agriculture, coopératives laitières, etc), le programme a pour vocation de faire de la Basse-Normandie une région pilote dans la production et la transformation laitière biologique.

Au-delà des avantages et des incentives financières en vigueur (primes à la conversion), nous nous sommes rendus compte que les mesures d’incitations financières ne suffisaient pas à convertir des éleveurs conventionnels au bio. S’ils avaient besoin d’être soutenus financièrement, le problème était également ailleurs, ils avaient besoin d’autre chose à l’époque : de support technique, de l’aide et de la comparaison, de l’ouverture et du partage avec ceux qui s’étaient déjà convertis.

Reine Mathilde a apporté la possibilité de réunir en Basse Normandie des éleveurs en conversion, des éleveurs convertis, des experts de l’Institut de l’élevage, les interlocuteurs des chambres régionales de l’agriculture, des fabricants de semence bio et des éleveurs conventionnels de tous types de laiteries pour commencer à réfléchir ensemble et partager de l’expertise et des compétences. Le projet était très ouvert et ne se destinait pas uniquement à la conversion des éleveurs des 2 Vaches.

Co-financé encore aujourd’hui par un grand nombre d’intervenants de la bio en région ou nationalement, ce projet a été financé en 2017 par Les 2 Vaches, par notre premier concurrent Triballat, qui est également notre partenaire dans le projet Reine Mathilde, par la région Normandie, l’Agence BIO (Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique) et pour partie par un fonds Danone de soutien.

Nous avons également réussi à travers ce projet à faciliter les conversions et à avoir des éleveurs qui aujourd’hui maîtrisent de mieux en mieux leur métier d’éleveur bio et le font selon un modèle herbagé, en autonomie alimentaire qui nous ressemble. L’objectif de Reine Mathilde est de favoriser l’autonomie alimentaire et de permettre aux éleveurs de vivre le mieux de leur métier.

Quelle est la valeur ajoutée des 2 Vaches ?

Nous avons la chance d’hériter de l’historique de la bio. Nous souhaitons faire les choses le mieux possible, nous avons cette exigence et cette volonté d’être durables. Notre objectif ne se résume pas à vendre de bons yaourts bio. Nous héritons de ce passé mais nous sommes également tournés vers l’avenir et la modernité.

On peut parler de la bio sans se prendre au sérieux, on peut aider les gens à basculer vers ce modèle de consommation sans leur faire peur et sans leur asséner des reproches. Nous avons toujours été sur ce ton-là, je présente souvent nos deux vaches comme les deux joyeuses militantes d’un monde plus bio.

Les termes de « joyeuses » et « militantes » illustrent parfaitement notre positionnement qui nous rend relativement unique sur le marché. C’est précisément parce nous sommes atypiques et différents que nous avons réussi depuis presque 12 ans à recruter des consommateurs qui se retrouvent dans une bio exigeante mais qui pour autant ne se prend pas trop au sérieux.

Nous avons également poussé ce positionnement à travers nos recettes et ce que l’on y apporte. Nous avons volontairement assumé de ne pas aller sur des yaourts blancs et nous disposons d’une gamme de yaourts nature très limitée. Nous avons ouvert le marché à d’autres unités de besoins qui n’étaient pas pourvues, un peu plus gourmandes comme les crèmes desserts et les yaourts aux fruits. Depuis quelques années, nous remportons un franc succès avec les produits pour enfants.

Quels sont les projets pour l’avenir ?

Nous devons travailler sur l’équité et accorder beaucoup plus de valeur à l’amont, aux éleveurs, aux ingrédients et aux recettes. Nous allons poursuivre notre développement sur la marque Les 2 Vaches en GMS avec une accélération assez forte sur les produits pour enfants.

Nous nous distinguons aujourd’hui par de très bons produits avec des aliments de grande qualité. L’année dernière, nous avons enfin réussi à basculer deux de nos préparations de fruits vers des fruits français avec d’excellents sourcing, notamment en fraises et en rhubarbe, nous allons essayer de continuer et de poursuivre dans cette direction. Nous poursuivrons nos investissements pour que nos éleveurs puissent continuer d’améliorer leurs pratiques.

[FIN][FIN][FIN] Les 2 vaches en bref :

Effectif :

20

collaborateurs au siège et environ 100 personnes chez Danone travaillant sur le projet

CA 2017 :

50 M€

(45 M€ en GMS, 5 M€ en restaurant hors domicile)

Chiffres clés : Les 2 Vaches représentent aujourd’hui environ

30%

des volumes de l’usine

Localisation :

Saint-Ouen

(Seine-Saint-Denis)


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