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Benjamin Cardoso (LeCab) : « Nous voulons devenir le réflexe mobilité de demain »

En 2012, LeCab est arrivé sur le marché du VTC en offrant le premier service standardisé : une flotte de Peugeot 508 « made in France », des chauffeurs en costume, un prix fixe et inférieur au taxi. Fer de lance de la révolution touchant la mobilité urbaine, la start-up parisienne se rêve désormais en prochain Uber du « transport partagé ».

Entreprendre - Benjamin Cardoso (LeCab) : « Nous voulons devenir le réflexe mobilité de demain »

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En 2012, LeCab est arrivé sur le marché du VTC en offrant le premier service standardisé : une flotte de Peugeot 508 « made in France », des chauffeurs en costume, un prix fixe et inférieur au taxi. Fer de lance de la révolution touchant la mobilité urbaine, la start-up parisienne se rêve désormais en prochain Uber du « transport partagé ».

Comment décrire la révolution en cours dans la mobilité ?

En 2012, l’arrivée des VTC a créé une véritable révolution dans la conception de la mobilité. Alors que nous étions jusqu’alors dans un système de taxis réservés, nous avons réinventé un concept de mobilité associé à une voiture avec chauffeur. Les VTC ont diffusé une nouvelle façon de se déplacer avec des voitures réservées via le Smartphone, l’usage s’est ainsi répandu, devenant dominant jusqu’en 2017.

La révolution en cours porte sur la notion de transport partagé à la demande. Selon nous, cette révolution aura un impact au moins aussi profond que celle de 2012. Il s’agit d’un changement de paradigme. Le bouleversement qui s’amorce fait prévaloir une approche tarifaire plus avantageuse pour les utilisateurs, nous allons donc pouvoir pénétrer de façon beaucoup plus prégnante dans leur quotidien.

En 2012, les services jugés « agréables » se sont propagés mais dans le cadre d’une utilisation ponctuelle (2-3 usages en moyenne par mois par utilisateur). Aujourd’hui, nous nous inscrivons dans une autre logique : l’objectif est de passer d’un usage ponctuel à un usage quotidien grâce à la démocratisation des tarifs.

Il n’est pas uniquement question de proposer de nouveaux services mais de déclencher de nouvelles habitudes de consommations, les expériences de partage ne sont pas associées à des contraintes supplémentaires ou à une dégradation de la qualité (pas de détour, pas de perte de temps). La solution de partage permet de diminuer le coût des courses tout en conservant l’efficacité et la rapidité du service. Il nous faut repenser et réinventer la mobilité sans pour autant renier notre singularité française.

Quel sera l’impact de ce nouveau paradigme sur les modèles économiques ?

Nous avons construit LeCab sur une singularité. Notre marché était parfois décrié pour des raisons de prix et de qualité du service délivré. Fort de ce constat, nous nous sommes positionnés sur ces deux créneaux qui nous semblaient névralgiques.

Travailler sur la qualité supposait de réfléchir à la raison pour laquelle les chauffeurs ne délivraient pas le niveau de service attendu par les clients. Les chauffeurs n’étaient pas bien considérés et reconnus. Par ailleurs, les plateformes auxquelles ils étaient affiliés ne se préoccupaient pas nécessairement des charges liées à leur activité.

Comment prenez-vous en compte les aspirations de vos chauffeurs ?

Dès le départ, nous nous sommes beaucoup investis dans la réussite de nos chauffeurs afin qu’il puisse être les ambassadeurs auprès de nos utilisateurs. Il ne faut pas oublier que les utilisateurs ne connaissent LeCab qu’au travers nos chauffeurs. Nous avons deux clientèles : les chauffeurs et nos utilisateurs. Nous considérons les chauffeurs comme des clients que nous cherchons à satisfaire et à fidéliser, nous sommes donc toujours en recherche de solutions pour faciliter leur activité au quotidien.

Quelles solutions avez-vous mises en place pour soutenir leur activité ?

Nous avons décidé d’investir dans l’activité de location de voitures qui constitue un centre de coûts très conséquent pour les chauffeurs. Nous proposons des formules comprenant la location, l’entretien et l’assurance du véhicule.

Le nouveau modèle sur lequel nous travaillons n’est pas antinomique avec l’originel, il s’agit au contraire d’un prolongement sur lequel nous capitalisons pour bâtir la révolution du transport partagé. Ce dernier présente un avantage tarifaire considérable pour le client mais également pour le chauffeur qui voit le temps d’attente entre les courses considérablement réduit.

Quel est le profil de vos chauffeurs ?

Sur Paris, le VTC est l’un des principaux secteurs à avoir créé de l’emploi depuis 4 ans. Il s’agit souvent de personnes originaires de banlieue, au chômage ou en échec professionnel. Le VTC leur permet de retrouver un emploi mais il est surtout un vecteur d’intégration sociale. Il est une passerelle évidente entre la banlieue et le centre-ville. Sur le reste du territoire, il est généralement question de personnes issues du métier.

Comment aidez-vous vos chauffeurs à maîtriser au mieux leurs coûts ?

On s’est aperçu que les coûts liés à la révision des véhicules étaient très conséquents, notamment les coûts d’immobilisation – dans un centre classique, l’immobilisation dure plusieurs jours. En créant un centre de maintenance, nous avons internalisé ce savoir-faire pour proposer des délais correspondants aux attentes des chauffeurs professionnels.

Nous proposons aujourd’hui des révisions réalisées en moins de deux heures, évitant une perte de chiffre d’affaires liée à ce besoin très récurent (révision tous les 2 mois pour les VTC). Des économies ont également été réalisées sur les réparations : nous nous sommes adossés à un centre de carrosserie afin de faire bénéficier à nos chauffeurs des tarifs préférentiels. Nous avons par ailleurs divisé par deux ou trois le coût de restitution d’une voiture.

Tous ces facteurs participent à pérenniser l’activité de nos chauffeurs et leur assurer une rentabilité. Nous sommes leader de cette activité en France, notre principal concurrent, Voitures Noires a fait faillite en juillet suite à une mauvaise gestion de cette activité.

Les chauffeurs LeCab sont équipés exclusivement de Peugeot 508. Pourquoi avez-vous opté pour PSA ?

Le « made in France » était quelque chose de très important. Nous avons souhaité, dans la mesure du possible, utiliser le modèle d’un constructeur français fabriqué en France. Le modèle de la 508 s’est imposé comme le plus pertinent dans le cadre de cette activité. Par la suite, PSA ayant manifesté son envie de développer un partenariat, nous avons renforcé nos liens.

Comment articulez-vous vos deux services : la réservation en amont et la réservation instantanée ?

Dans le premier cas, l’expérience est quelque chose d’essentiel car je vais passer du temps dans la voiture : elle doit être d’une qualité irréprochable. Dans le second, la notion d’expérience est secondaire, seul importe le fait de payer le moins cher possible un service qui m’est apporté très rapidement. C’est cette expérience de transport partagé que nous poussons à travers notre service « Plus ».

Elle est très complémentaire de l’expérience LeCab historique et va nous permettre de proposer une gamme de services inédite que personne ne propose à ce jour sur Paris. Notre force est donc de combiner un service pour les réservations à l’avance satisfaisant tous les critères d’exigence de la clientèle (fiabilité, ponctualité, expériences, prix forfaitaires imbattables aux aéroports…) et une gamme de services pour la réservation instantanée dans Paris la moins chère du marché (5 euros).

Comment pouvez-vous proposer des tarifs défiants toute concurrence ?

Nous pouvons afficher ce coût absolument incroyable grâce aux algorithmes développés par la start-up israélienne Via à laquelle nous nous sommes associés. Nous proposons quelque chose d’unique que personne – pas même Uber – ne sait faire sur le secteur. C’est un véritable avantage différenciant.

Comment se distinguer dans un marché hyper concurrentiel ?

Nous sommes très différents des autres. LeCab s’est toujours intéressé à ses chauffeurs (6.500 sur toute la France, Ndlr) en leur apportant une écoute active et un soutien dans leur travail quotidien. Nos chauffeurs peuvent accéder à une cellule de régulation d’un simple clic sur leur téléphone.

Nous avons également une équipe dédiée qui peut les recevoir à tout moment au siège social pour solutionner les problèmes qu’ils rencontrent. Enfin, notre offre de location de voitures leur permet d’accéder à une panoplie de services qui vont les accompagner dans leur quotidien notamment concernant les coûts. Ce dispositif est un outil unique de fidélisation de nos chauffeurs – nous sommes les seuls à le proposer.

Notre valeur ajoutée réside dans notre capacité à proposer des services qu’aucune autre société ne propose : le « 508 », un service standardisé, et le « Plus », un service partagé sans égal. Les Parisiens qui connaissent LeCab à travers ces deux services trouvent chez nous des prestations introuvables chez les autres.

Quel est le profil de votre clientèle ?

A 50% grand public et à 50% professionnelle. Nous avons pour volonté de maintenir cette équilibre car les habitudes de consommation de ces deux clientèles sont très complémentaires : la clientèle entreprise consomme principalement la journée, tandis que la clientèle particulière consomme plutôt le soir et le week-end.

Notre organisation est un peu à l’image d’une chaîne de télévision : nous essayons de proposer le bon programme au bon moment, pour répondre à la bonne audience. Les chauffeurs peuvent trouver des courses à tout moment de la journée, ce qui leur permet de garder une flexibilité maximum sur leurs heures de travail.

Quel est l’enjeu stratégique de votre métier ?

L’enjeu de fond est avant tout social. Les chauffeurs sont au cœur de notre activité et c’est grâce à la satisfaction de ces chauffeurs que nous sommes capables de faire grandir notre capacité à servir des clients. L’enjeu de départ est donc de comprendre cette dimension sociale – c’est d’autant plus vrai en France. Il est essentiel de construire une relation où l’humain se sent au centre de l’attention et reconnu dans ce qu’il est et fait.

L’avenir est très fortement lié à la technologie. Les services de transports partagés que nous proposons aujourd’hui sont rendus possibles grâce aux algorithmes de notre partenaire Via dont la technologie inédite permet de repenser le transport en commun. Ils sont en effet capables d’inclure une section de marche à pied dans leurs algorithmes.

Ainsi, lorsque vous commandez une voiture à destination d’une adresse, la voiture ne viendra pas vous chercher là où vous vous trouvez, elle vous donnera un point de rencontre qui peut être situé jusqu’à 150 mètres. C’est essentiel, car si la voiture est déjà occupée, cela permet d’éviter un détour par rapport à l’itinéraire le plus rapide. Sans ce partenariat stratégique, le lancement de cette solution aurait été très complexe…

Quelles différences y a-t-il avec 2012 ? Est-ce un problème de maturité ?

Nous ne sommes plus dans la même logique. En 2012, l’offre n’était qu’un « matching » entre l’offre et la demande. Il suffisait de proposer à des chauffeurs une course sollicitée par un client pour créer un lien entre l’offre et la demande. Dans notre nouvelle activité, il existe une composante technologique extrêmement complexe à acquérir et dont nos principaux concurrents ne disposent pas. Souhaitant rentrer dans le quotidien des utilisateurs, la dimension prédictive est importante. Nous pouvons anticiper des demandes potentielles qui ne sont pas encore émises.

Qu’est-ce qui vous séduit dans ce secteur ?

Ce secteur est passionnant car nous allons vivre une révolution incroyable au cours des dix prochaines années. Une révolution à peu près aussi importante que lorsque l’iPhone est arrivé en 2008 et que son usage s’est répandu en l’espace de quelques années pour devenir indispensable. La mobilité est en train de rentrer dans une phase de changements majeurs. D’ici une quinzaine d’années, toutes les voitures qui occupent le centre-ville, les parkings et les rues seront devenues obsolètes. Participer à cette révolution est quelque chose d’exaltant.

Comment imaginez-vous l’avenir du secteur ? Quelle est votre vision du futur de la mobilité ?

Nous venons d’un monde axé sur la propriété dans lequel les personnes possèdent des voitures considérant que c’est une source de liberté, mais aussi par nécessité car ils ne savent pas faire autrement. C’est également une source de coûts importante et un facteur de pollution.

Si nous sommes capables de proposer des solutions complémentaires, efficaces et peu onéreuses, nous pourrons vraisemblablement permettre aux Français de se séparer de leurs véhicules. A mesure du temps, les sociétés s’orientent vers les solutions d’usage plus que de détention.

A terme, nous souhaitons disposer de toute une gamme de services complémentaires les uns des autres afin de répondre aux différentes attentes des utilisateurs : certains à usage exclusif – vous disposerez d’une voiture que pour vous à des moments où vous n’avez pas forcément envie de partager -, d’autres à usage partagé – dans une logique du transport en commun avec l’objectif de payer le moins cher possible (trajet pour aller au travail, par exemple). Proposer une gamme de services autour de la logique d’usage, en faisant notamment appel à la voiture autonome, voici l’horizon.

Le marché va considérablement s’élargir : le marché du VTC représente aujourd’hui environ 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires en France alors qu’il était encore inexistant il y a encore 5 ans. D’après une étude réalisée par le Boston Consulting Group pour Uber, ce chiffre passera à 2 ou 3 milliards à l’horizon 2020.

La croissance attendue est exponentielle car elle est portée par l’essor des services partagés et des services d’usage, beaucoup moins onéreux que ce que l’on connaît aujourd’hui. Le futur ne se résume pas un seul besoin mais à des besoins différents et complémentaires répondant à une mobilité multimodale.

Comment imaginez-vous la mise en œuvre de votre nouvelle stratégie ?

Elle se fera aux côtés de notre activité historique. A l’origine, notre activité consistait à proposer des solutions de qualité extrêmement fiables dans des voitures standardisées (Peugeot 308), avec une multitude de services à bord (Ipad, musique, etc) et des chauffeurs en costume pour répondre simultanément aux attentes d’une clientèle individuelle extrêmement exigeante et d’une clientèle entreprise encore plus exigeante sur la constance du service délivrée. Aujourd’hui, cette activité a tout son sens dans les entreprises et dans la prestation de réservation à l’avance.

En quoi votre partenariat avec Keolis, filiale de la SNCF, est-il stratégique ?

Le partenariat est né mars 2016. Les responsables de Keolis, filiale de la SNCF qui conçoit et exploite des réseaux de transports publics (tramways, bus ou métro), souhaitaient nous rencontrer afin de partager leur vision du secteur. Cela peut sembler surprenant car nous venons de l’univers de la voiture avec chauffeur et Keolis du transport public.

Finalement, notre vision commune du futur de la mobilité nous a poussés au rapprochement. Si cette mobilité était une mobilité individuelle de voiture avec chauffeur par le passé, on se projette désormais dans la perspective d’une mobilité à la demande partagée. Si on y ajoute le fait qu’elle sera en plus autonome, nous arriverons à des prestations tellement peu coûteuses qu’elles risquent également de perturber les transports publics.

Dans cette logique de réinvention du transport public, Keolis a décidé de prendre une participation dans LeCab (51%, Ndlr) pour être un centre d’innovation, l’idée étant de s’appuyer sur des innovations qui permettront de créer les chaînons manquants entre le transport privé à la demande et le transport public tel qu’il existe aujourd’hui. Nous jouons la carte de la complémentarité.

En janvier 2016, vous ouvrez un centre de maintenance et une nouvelle base logistique dans l’ancienne usine PSA d’Aulnay-sous-Bois, quelle était la finalité de ce projet ? Quels enseignements en tirez-vous un an et demi après ?

Ce centre est le prolongement de notre activité de location de voitures. Le chauffeur a l’impression qu’il connaît et maîtrise ce centre de coût mais il projette le modèle d’un particulier qui fait 10 000 kms par an. Nous nous sommes très rapidement aperçus qu’une voiture faisant à peu près 80 000 kms par an en centre-ville constitue un centre de coût n’ayant absolument rien à voir avec celle d’un particulier (usure et casse plus importante).

L’immobilisation du véhicule pour les révisions constituent également un manque à gagner très important pour le chauffeur qui ne génère pas de chiffre d’affaires durant cette période. Ce décalage entre l’imaginaire du chauffeur et la réalité en a conduit un nombre important à la faillite. Les coûts dépassaient très largement le chiffre d’affaires généré.

Cette situation était problématique pour LeCab qui investissait sur des personnes, les formait, leur donnait les clés de la réussite et les voyaient finalement échouer en raison d’une mauvaise gestion  de leurs coûts. Grâce à notre activité de location de voitures, nous étions capables de proposer un coût très anticipable pour les chauffeurs.

Quelles sont les perspectives de développement de LeCab ?

Nous sommes aujourd’hui engagés dans une phase de développement massif de la voiture partagée, dernière étape avant l’arrivée de la voiture autonome. Il n’est plus aujourd’hui question de faire évoluer le VTC, nous nous situons dans une problématique de transports en commun.

La démocratisation de la voiture avec chauffeurs est essentielle, nous allons toucher beaucoup plus profondément les Parisiens. Des personnes de tous horizons vont désormais pouvoir accéder à ce service. En synthèse, notre ambition est de rentrer dans le quotidien de nos utilisateurs afin de devenir le réflexe mobilité de demain.

LeCab a su s’imposer dans la révolution de la voiture à la demande nous devons désormais nous imposer dans la révolution de la voiture à la demande partagée, puis dans la voiture autonome.


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